La Terre, une école d'humanité
Bien sûr, avec la théosophie vraiment « orientale », il faut se situer dans la perspective d'une Evolution ascendante, « dans l'éternité », au fil des « Jours » et des « Nuits » de Brahmâ. Dans cette optique, lorsque point un nouveau « Jour », les myriades de monades qui avaient atteint, à la fin du « Jour » précédent, un certain degré de réalisation, le retrouvent maintenant pour mieux reprendre la route, vers de nouveaux progrès. Si nous nous en tenons à l'histoire humaine, nous pourrons envisager notre Terre comme une École ouverte aux Élèves pourvus de la conscience réfléchie et de l'intelligence. Pour eux, le programme de l'« année scolaire » leur propose de maîtriser fermement leur nature d'Hommes, d'accéder au niveau spirituel pour épanouir complètement leurs potentialités divines. Au fil des millénaires, les Élèves, qui seront reconnus « excellents », atteindront une perfection transcendante, faisant d'eux des « libérés vivants », mûrs pour le Nirvâna suprême qui les attend pendant la « Nuit de Brahmâ ». Des grandes vacances, dans une béatitude sans bornes pour ces monades illuminées. D'autres Élèves, moins brillants, feront certainement de grands progrès sans pourtant s'affranchir de l'astreinte à l'École. Ils auront droit quand même à un séjour paisible, après tous leurs efforts. Restent les médiocres, les cancres qui n'ont pas compris ce qui était attendu d'eux. Bons pour redoubler ! Après un fort long temps de sommeil.
Pour en revenir à ce que nous envisagions plus haut, nous en étions arrivés, en fait, au moment, où sur notre Terre, l'École allait ouvrir sa classe H (H comme Humanité). Où allait-elle recruter ses Élèves? Parmi les « anciens », qui avaient reçu le prix d'excellence, rien ne les obligeait cette fois à revenir : ils pourraient accéder à des classes de niveau nettement plus élevé, dans l'ordre angélique. La gestion d'un système solaire a sûrement besoin de travailleurs éclairés. Certains, cependant, mus de Compassion, se souviendraient de l'École, pour y servir de Guides, Moniteurs, Instructeurs. La nouvelle fournée d'Élèves n'aurait-elle pas besoin d'eux ? Nous les verrons effectivement à l'œuvre, un peu plus loin. Au nombre des inscrits pour l'année qui va s'ouvrir, nous compterons, naturellement, la masse des recalés, obligés d'accepter un nouveau départ, peut-être même alourdis par un karma passé, capable de les freiner s'ils n'y prennent pas garde. Ces redoublants se sentiront sans doute un peu épaulés par les bons élèves de jadis, appelés à faire beaucoup mieux cette fois, pour atteindre l'excellence. À ne pas oublier non plus, dans le lot, les « petits nouveaux », issus des classes inférieures (venus du règne animal). Eux, au moins, arrivent innocents de tout Karma passé, en découvrant la classe H 13.
Pour l'heure, nous voici arrivés à un point crucial : pour chaque catégorie d'Élèves (préalablement pourvus, par les agents ad hoc de l'Évolution, de l'équipement physique et psychique nécessaire pour tenir leur place dans la classe H), le moment est venu où va leur être communiqué l'essentiel qui leur manque encore : l'intelligence réfléchie, et probablement même plus. D'où l'entrée en scène des Éveilleurs. Événement capital que H.P.B. n'a pas manqué de détailler. Commençons par postuler non pas une mais plusieurs légions d'Éveilleurs, qui auront à choisir, de façon correspondante, les Élèves à pourvoir. En fait, les « ascètes », imaginés dans notre conte, devaient occuper divers sites, à des altitudes nettement différentes de la haute montagne. Certains d'entre ces Yogis - les plus « aériens » - pouvaient maintenant se sentir appelés vers la vallée, par Pure Compassion. Qui mieux qu'eux, en effet, serait à même de lancer le programme de l'École, donner les directives essentielles et veiller au bon déroulement des choses ? Au moins dans les débuts. Éventuellement, à chaque nouveau « trimestre », pour mettre sur la voie des réalisations que ce cycle pourrait tenir en promesse. En attendant les derniers jours de l'Aventure humaine - avec son bouquet final. Non une terrifiante apocalypse, mais une Ultime Révélation dans la glorieuse lumière du Soleil divin. À l'autre extrémité de l'échelle, il fallait concevoir de ces ascètes qui étaient aussi des Éveillés, bien qu'encore incomplets. Assez évolués sans doute pour faire le travail, ne manquant pas de Compassion, mais amenés à descendre également par nécessité, pour franchir encore d'incontournables étapes vers le Grand Éveil. (Voir sur ce point : S.D. I , 233).
Sans trop entrer dans ces finesses, notons que plus d'un de ces Éveilleurs était l'une de ces entités « obligées par la loi karmique [...] de s'incarner à nouveau, mais qui, en même temps se sont sacrifiées pour le bien et le salut de monades qui attendaient leur tour et qui, autrement, auraient dû demeurer pendant des âges incalculables dans des formes irresponsables [...] tout en ayant l'apparence humaine » (S.D. II, 94). D'où leur choix, « préférant le calvaire de l'incarnation et des longs cycles d'existence terrestre et de renaissance au spectacle de la misère (même inconsciente) des êtres créés comme des ombres, par l'énergie semi-passive [de leurs Pères lunaires] ».
En y réfléchissant, « si l'usage que ferait l'homme de la vie devait être de nature non à "animaliser" le Soi, ni à le "spiritualiser", mais bien à humaniser le Soi, avant de pouvoir le faire, il fallait qu'il naisse humain et non angélique ». « D'où la tradition qui représente les célestes yogis s'offrant en victimes volontaires pour racheter l'Humanité (créée trop "divine" [ou éthérée]... au départ) et pour la doter d'affections humaines et d'aspirations humaines. » (S.D. II, 246). Ce qui obligeait nos « Anges-Vierges » à « quitter leur état naturel et à descendre vers notre globe afin d'y élire domicile (pour tout le temps du Grand Cycle à courir), en changeant ainsi leur individualité impersonnelle pour [s'associer à] une personnalité individuelle ». En somme, lier étroitement leur Soi transpersonnel à un soi personnel, vivant dans un être terrestre. Un autre passage (II, 246) précise que ces anges sont « seulement établis dans un état intermédiaire, où ils se préparent, quant à eux, pour des degrés supérieurs de purification, et de rédemption de leur misérable condition » (liée à leur sacrifice).
En termes clairs : dans la réalité, chacun de ces Anges-Vierges, ces divins Rebelles, a pris en charge un « enfanté » immature, pour assurer son Éveil, et stimuler ses propres efforts capables d'émanciper l'Homme qui était en promesse dans la monade en sommeil, mais lui-même ne manquera pas de bénéficier de cette étroite association - si elle réussit à porter ces fruits. Ainsi le Sauveur, « déchu » de ses sommets en acceptant la charge de son sacrifice, gagnera aussi le Salut, finalement, dans cette communauté d'efforts avec l'être qu'il a cherché à sauver. Le « Sauveur sauvé » - cela ne vous rappelle pas Sohrawardî, évoquant une semblable association entre l'âme humaine et l'archange à l'aile empourprée, promis tous deux à une transfiguration en cas de réussite ? Autre point essentiel, à garder en mémoire (S.D. I I , 246) :
« La nature de ces anges de Feu est Connaissance et Amour. »
Nous avons déjà entendu cela quelque part. Oui, dans la bouche des rescapés de la mort évoquant leur dialogue avec l'Être de Lumière. Pour désigner l'ange éveilleur, Mme Blavatsky a employé une foule d'expressions (surtout dans son 2e volume). Par exemple :
Seigneur de Sagesse (II, 172)
Dieu intérieur (II, 272)
Prototype céleste (I, 638)
Dieu-Soi (I, 639)
Fils de la lumière (II, 272)
Fils de la Lumière et de la Sagesse (II, 273)
Archange rayonnant (II, 246)
« Être de Lumière » ne figure pas dans cette liste. Simple oubli? Il n'aurait pas dépareillé dans ce bel ensemble. On verra dans la suite que cet ange des NDE n'était pas un inconnu pour H.P.B.
13. Inutile de préciser que tous les Élèves n'arrivent pas en même temps à l'École. Certains, selon leurs aptitudes, y prendront place très tôt - des avant-coureurs. D'autres, grands retardataires, y seront amenés (par les contraintes de la Loi d'Évolution)... des milliers d'années plus tard (pour ne pas dire bien davantage). Jusqu'au moment (marqué dans l'histoire de la Terre) où l'École fermera ses portes à tout nouveau postulant. Dans ces dispositions, aucun arbitraire. La même Loi d'harmonie règne dans chacun des départements de la Nature. Tout cela est détaillé dans le livre de H.P.B. (que je résume ici, et simplifie à l'extrême). Un lecteur curieux peut se reporter à l'édition originale (The Secret Doctrine = S.D.) pour plus de précision. Par exemple, pour les aptitudes diverses des êtres que j'ai appelés les « Élèves », et le poids de leur Karma passé, voir S.D., I, 167-8. [retour texte]