
Réaliser le divin dans l'homme
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Réaliser, c'est faire exister ce qui n'était que potentiel, accomplir, concrétiser, manifester de façon active, effective.
Pour « réaliser le Divin » dans l'homme, c'est à dire rendre « concrète » sa présence réelle dans l'homme, il faut commencer par "réaliser" le Divin, comprendre « clairement » ce que peut être ce Divin dans l’homme. Se poser en même temps la question du « pourquoi » de l'entreprise (quel est le motif directeur). Viendront ensuite les questions :
« Comment » mener la démarche (par « quelles techniques » ?) et, en pratique : « avec quels moyens » dont on pourrait disposer ?
Réaliser mentalement ce que peut être (actuellement) le Divin dans l’homme, et l’évolution possible de cette situation
Alors que les religions monothéistes tendent à situer leur Dieu, loin dans le ciel, donc « à l'extérieur », comme un Créateur tout-puissant, qui juge, récompense ou punit ses créatures, l'approche ésotérique des religions, et des grandes philosophies du passé, a une conception toute différente (cf. Trois Propositions Fondamentales de la « Doctrine Secrète » - H. P. Blavatsky - Vol I, pp. 13 à 17 de l’édition originale en anglais). On n'y parle pas d'un Dieu anthropomorphe, qui crée le monde une seule fois pour le temps d'une expérience - ou d'une épreuve imposée aux hommes, pour tester leur foi et leur fidélité au « Seigneur », mais d'un Principe Divin, éternel, omniprésent, conçu comme un Absolu ineffable, dont émanent périodiquement des Univers soumis à la Loi des Cycles (transmigration des formes, réincarnation, …), sous le contrôle permanent de la Loi de Causalité, ou Karma.
Au lieu d'un univers (géocentré) créé une fois pour toutes, en attendant le jugement dernier, le Cosmos, soumis aux pulsations de la vie, est le cadre d'une évolution permanente, avec perfectionnement progressif des formes, et une « montée progressive » de la conscience, jusqu'au règne humain - et bien au-delà.
Tout est fondé sur le Divin, est pénétré par le Divin et tend à manifester, dans des formes vivantes, les pouvoirs infinis du Divin, et les « perfections divines » (Cf. La Bhagavad-Gîtâ, Chap. X), les archétypes inépuisables « contenus » dans ce Divin.
Ce Cosmos est maintenu en harmonie dynamique par les contributions incessantes et innombrables de toutes les entités vivantes qui y évoluent : c'est la loi d'interdépendance et de solidarité à laquelle nul n'échappe. Comme dans une famille unie, chacun participe à cette harmonie dynamique, mais les Aînés, qui sont les plus avancés, éveillés à la force de cette Loi, contribuent naturellement à la marche harmonieuse de l'ensemble, prennent en charge, en somme, la gestion des domaines de l'Univers avec lesquels ils sont le plus en rapport : Anges, Archanges, Principautés, etc... ne sont pas des êtres quasi divins, qui ont eu la chance d'être créés tels par un Dieu anthropomorphe ; ils ont été des « hommes comme nous » et ont atteint leur stature divine au fil de leur évolution.
C'est, en fait, ce qui nous attend, dans un très lointain futur, qu'il nous appartiendrait de rendre « plus proche », en prenant notre évolution en mains, de la façon la plus efficace possible. D'où l'urgence qui apparaît ici de tenter de « réaliser le Divin », ce qui n'est encore qu’en promesse à la racine de notre être.
La situation de l'homme, sur notre terre par exemple, est particulière, unique même. Un animal en apparence avec un corps physique, il se distingue radicalement des animaux (et des règnes inférieurs, en général), par sa conscience, son intelligence, sa capacité de création.
L'homme est en fait la créature de l'évolution qui manifeste des pouvoirs qui ne sont encore que « latents » dans les autres règnes, mais sont pleinement épanouis dans les règnes supérieurs, et qui relèvent du Divin de bien plus près.
Pour l'homme, l'éveil de ces pouvoirs n'a pas été spontané. D'après Mme H. P. Blavatsky qui a redonné la Théosophie au 19ème siècle, il a été accéléré par l'intervention de Frères Aînés qui ont joué le rôle d’« Éveilleurs » – un peu comme le font les parents humains avec leurs jeunes enfants, qui resteraient des « retardés » sans les soins prodigués par ces parents, pour stimuler leur conscience humaine, leur réflexion, leur sensibilité humaine. En Grèce, ces Éveilleurs individuels furent évoqués sous le nom collectif de Prométhée. Ainsi accompagné dans son « enfance », l'homme, « héritier de la Famille » est promis à accéder à son tour au statut d'Éveilleur - de Frère Aîné.
Toutes les doctrines ésotériques (religieuses ou philosophiques) s'accordent pour dire que le Divin est présent dans le coeur de chaque homme, et qu'il tient à lui de le découvrir, de l'épanouir - de l'incarner en lui-même. En somme de « réaliser le Divin dans l'homme ». Jésus a rappelé : « J'ai dit : vous êtes des dieux. » Ici, les chances de réussite ne sont pas nulles, même si cette « réalisation » exige une métamorphose radicale de l'individu, qui pourra prendre un temps très long, voire de nombreuses existences successives sur terre. Tout est en place pour aider théoriquement à cette métamorphose.
Au sommet de l'échelle, il y a la collectivité unie des plus hautes hiérarchies spirituelles (le « Logos » de Platon ou de Saint-Jean) qui gèrent la Loi Divine de toute l'évolution du système solaire, et dont l'influence pénètre jusqu'au plus petit atome. Au « cœur » de l'homme cette influence est éminemment présente, également par le canal - ou le foyer - de l’« Éveilleur » qui accompagne toujours l'être humain au fil de ses incarnations. Cet Éveilleur joue, maintenant, le rôle d'Allié, de Compagnon, pour ne pas dire d'Ami ou de Père, pour l'homme vivant sur la Terre. Ce n'est pas « Dieu », ni la totalité du Divin, mais, en quelque sorte, le « substitut » ou le « représentant » du Logos, dans la sphère particulière de cet homme - le chaînon qui assure la liaison efficace avec le Logos solaire. De même, au sein de la famille, les parents Éveilleurs pour le jeune enfant ne représentent pas l’« Homme idéal » que cet enfant devrait tendre à incarner ici bas, mais ils devraient servir de guides ou de relais indispensables pour tourner leur protégé vers cet idéal - servir d'exemples vivants, capables d'inspirer le jeune candidat à la Vie, sans toutefois faire à sa place les efforts qui lui reviennent en propre, pour parcourir lui-même les étapes de sa métamorphose.
Pourquoi faudrait-il « réaliser le Divin dans l’homme » ?
Il n'y a donc pas d'autre perspective, pour nous les hommes, tels que les jeux sont faits, que de « réaliser ce Divin », comme l'indique La Bhagavad-Gîtâ (Chap. XVI) : « Nous sommes nés avec le destin divin ». Tôt ou tard, il faudra le réaliser, non dans quelque Ciel, mais « ici-bas ». Nous pouvons, bien sûr, refuser cette donnée de notre existence et rester sourds à l’appel que nous font les religions-philosophies ésotériques, nous accrocher aux semblants de promesses de bonheur trouvées dans les jouissances terrestres ; mais une telle décision ne serait pas sans conséquences fâcheuses.
La « Nature » nous prête plein de talents et de possibilités (karmiques) à exploiter pour participer à la rotation de la « Roue de la vie » (Cf. La Bhagavad-Gîtâ, Chap. III). Faute de quoi, nous vivrons « comme des voleurs » (Cf. La Bhagavad-Gîtâ) et les conséquences karmiques seront pour nous un emprisonnement encore plus étroit dans les limites d'un moi personnel, égoïste, jusqu'à ce que nous apprenions les leçons imposées par la « Volonté Générale de la Nature » – l'incontournable nécessité de l'« offrande » de ce que nous avons au maintien de l'harmonie collective et au progrès de l'ensemble.
Ne vaudrait-il pas mieux alors accepter cette loi de la Nature, et nous engager à la servir, avec l'aide de ce qui, en nous, serait le meilleur auxiliaire de cette loi - le « Divin » qui est dans le coeur et serait prêt à intervenir positivement, à condition de « réaliser sa Présence » et de faire appel à Lui ? En le « convainquant » de nous soutenir, par notre attitude résolue et courageuse. Fort bien ! mais quelle garantie aurait-on qu'une telle réalisation soit possible ? Précisément, tous ces Maîtres spirituels qui nous ont légué, au cours de l'histoire, les trésors de la Theosophia perennis, et nous ont transmis la « Bonne Nouvelle » de la Présence du Divin en nous-mêmes, ont réussi l'entreprise qui se présente à nous comme nécessaire, et en ont parlé par expérience : ce n'est pas une démarche théorique, mais un chemin à parcourir, dont les étapes sont déjà inscrites en nous, et connues de ces Maîtres.
Et ces Maîtres, toujours vivants, qui sont aussi de réels Éveilleurs sont, pour ainsi dire, toujours préoccupés, anxieux, de nous stimuler pour prendre le départ et de nous accompagner à condition que nous acceptions de faire nous-mêmes les efforts nécessaires, jusqu'au jour de l'étape finale - celle de la Grande Initiation – où ils nous feront franchir le pas de l'ultime métamorphose, assurant la communion définitive avec le Logos solaire, la « Réalisation finale du Divin dans l'homme ».
Comment faire pour réaliser le Divin dans l’homme ?
On a bien compris que la nécessité s'impose en premier lieu de s’astreindre à « changer d'optique » par rapport à tous les détails du quotidien, à la lumière de cette Theosophia perennis : tout, absolument tout, devrait être « décodé » avec les clefs de la Sagesse ésotérique – ce que nous sommes, ce qui nous arrive, ce qui nous pousse à l’action, nos réactions face à la vie et aux comportements des autres, notre sens du devoir, de la vérité, de la justice, notre attitude face à la mort - tout cela étant à considérer comme devrait le faire une âme humaine en évolution, attentive à ce que la Vie attend d'elle, et consciente de la présence d'un Divin en processus « d’éveil » dans son cœur profond. Ce qui, au départ, n'est que théorique, devrait devenir vraisemblable, puis, progressivement, évident, incontournable.
Bien sûr, la route sera longue, menant de la tyrannie du « Vieil Homme » à la naissance de « l'Homme Nouveau ». Tout va se passer à l'intérieur : inviter le Divin, c'est l'amener, par notre attitude, notre volonté et tous nos pouvoirs d'imagination et d'amour, à s'exprimer de multiples façons, non pas par des actions et déclarations verbales sublimes, héroïques, mais par des choix, des engagements, des conduites et des mots différents, à tous les instants de la vie.
Rien ne peut changer vraiment à moins d'un « pacte intérieur » avec le Divin en allant positivement à sa rencontre – c'est-à-dire tenter de l'approcher, là où il réside le plus près de nous, en nous – dans l'espace secret du cœur.
D’où la nécessité, pratiquement incontournable, de consacrer du temps de notre vie de veille à nous tourner vers ce Divin intérieur, dans le silence.
Il ne s'agira pas tant de prières pour appeler à l'aide, ou de chants de louanges, ni de méditations pour s'envoler vers l'Absolu insondable. Songeons plutôt à une prière - méditation sans mots, comme un essor authentique, plein de foi, vers ce qui peut être conçu comme le Divin Universel (impersonnel bien sûr) dont le rayonnement est présent ici même, dans notre coeur, comme un Ami, un Père auquel nous sommes liés pour l'éternité.
Il s'agira de s'efforcer de sentir cette Présence amie, qui nous relie sans cesse au Tout Universel, et de s'en approcher avec déférence, en paix, avec la confiance de l'enfant dans la chaleur du foyer qui l'abrite, avec la conviction que c’est là la démarche à faire, à cet instant.
Et là, sans mots, sans transports lyriques, sans vague à l'âme :
– Sentir la proximité de l'Ami, du Compagnon qui fait couple avec notre âme profonde,
– Affirmer l'alliance qui nous unit à lui
– Affirmer, comme dans « le Notre Père », de Jésus (dans Matthieu) : « Que ta volonté soit faite ! » (Avec la conviction que nous pouvons avoir, en cette présence).
Avec la décision, sans mots, que les choses seront ainsi, que le Jour qui vient sera l'occasion d'expérimenter cette Alliance. Quelle que soit la journée, avec les événements qui devront l'émailler et avec cette conviction :
« C'est le Divin qui prend place en moi, qui me conduit dans ce qui se présente (Karma). Pour faire sa Volonté, le critère est : ce qui est le plus juste, le plus nécessaire, le plus vrai, à la lumière de ma conscience. »
Dès lors, les choses changent : « Je ne suis plus seul » « et les autres non plus » : ils ont aussi leur Présence divine intérieure, leur Ami, Compagnon - Eveilleur.
Ainsi nous formons une fraternité de « Fils du Divin », liés par la même destinée, avec cette conclusion : « Je ne suis plus seul, je marche sur le même sentier avec mes frères ». Le Divin en moi me commande de reconnaître aussi le Divin en eux.
Ainsi, par cette pratique, la journée sera pleine de la Présence du Divin, vivante en moi. C'est ce que recommande Krishna dans La Bhagavad-Gîtâ (Chap. VIII, 7) : « À tous moments, garde-moi présent en ta conscience et combats ! »
Et le soir, avant le sommeil, l'examen de conscience peut venir, pour faire le bilan de la journée : c'est alors l'occasion de juger des actions, pensées, comportement et attitudes qu'on a pu avoir, non pour se culpabiliser ou se glorifier, mais pour apprécier de façon sereine ce qui était conforme à la décision prise dans le secret du coeur et de trouver les remèdes aux écarts constatés.
Et quand vient l'heure du sommeil, pour la nuit qui va donner au Divin intérieur la liberté de se retirer de sa prison du jour, loin du brouhaha quotidien, ne faudrait-il pas accueillir la paix en soi, affirmer sa conviction des liens qui unissent l'âme au Divin, et s'endormir avec confiance, en songeant à l'alliance permanente qui nous associe à Lui, avec la Sagesse et l'Amour qu'il nous infuse, même à notre insu, tout au long de notre pèlerinage ?
Et s'il faut une formule magique pour s'endormir qui soit en harmonie avec le Divin dans le coeur, il suffit de dire, dans le silence de la conscience :
« Paix à tous les êtres
Amour à tous les êtres
Lumière à tous les êtres »
Amour et Sagesse ne sont-ils pas les clefs qui ouvrent la voie vers le Divin ?
JLS