Jamblique et la sagesse ésotérique orientale

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Jamblique (v. 250-330 ap. J.C.) était probablement initié à la sagesse ésotérique de « l’orient » (c’est-à-dire, de l’Égypte à la Chaldée), comme on peut le conclure, à la lecture de son livre sur Les Mystères d’Egypte (1) (où il n’oublie pas Platon, Héraclite, Hermès Trismégiste et, bien entendu, Plotin et Porphyre, chefs de file du néoplatonisme).

Le prétexte de son traité est la réponse à une lettre de Porphyre (à un certain « Anébon » (2), lettre pleine d’« erreurs » et « d’allégations fausses », concernant des points essentiels de la mystique « orientale ».

Il est difficile de résumer les points essentiels de la « Théosophie » de Jamblique, façon « égyptienne ».

Il y a, bien sûr, au moins trois niveaux dans le monde où nous sommes en évolution (voir VIII, 6) :       

  • un monde « physique », celui de la matière (ὓλη), hylè,
  • un monde « cosmique », où se trouvent les hiérarchies qui opèrent dans les coulisses du précédent, le monde des Planètes, en rotation autour du Soleil, qui gèrent, à leur manière, les cycles de vie du monde physique,
  • le monde du « Premier Intelligible (Πρώτοϛ νόητοϛ), Prôtos Noètos, ce qu’on assimilerait à Mahat, le Mental Universel, ou le Logos platonicien, c’est-à-dire, Le monde des dieux « hypercosmiques », ou « supra cosmiques » (VIII, 6).

L’homme a un corps physique, mais deux âmes (VIII, 6) : l’une issue du « Premier Intelligible », qui participe à la puissance du démiurge (on songerait à la monade, émanée du monde des Dhyan Chohan en Théosophie) et une autre âme, introduite « à partir de la révolution des corps célestes », ou âme psychique, liée au monde cosmique intermédiaire.

Dans cette âme « cyclique » se glisse l’âme qui voit le Divin (ή θεοπτικη ψυχή), hè théoptikè psychè.

Le point important c’est cette âme « trans-cosmique » est supérieure au « cycle des naissances » (elle est donc « permanente », au fil des réincarnations) : c’est la promesse pour l’homme de « remonter » au « divin Intelligible ». Elle a en propre la capacité de « retourner » au Divin et de s’unir à Lui ; elle n’est pas enchaînée aux liens indissolubles de la « nécessité » (άνάγκη), anankè, qu’on appelle « fatalité » (είμαρμένη), éïmarménè, ou karma, en Inde.

Selon le principe supérieur de l’âme, nous sommes capables de « nous libérer nous-mêmes », de « participer à la vie éternelle », et « aux activités des dieux supra-célestes » (VIII, 8). En fait, les dieux supra cosmiques sont « les libérateurs de l’âme » (VIII, 8).

Autre point essentiel : « dès leur première descente, Dieu, (le « Divin », (θεός), la loi de l’ordre supra cosmique), a envoyé les âmes dans l’intention qu’elles retournent à lui ». Donc, il n’y a « pas de changement (dans le plan divin) par suite d’une telle (ré) élévation », « ni de conflit entre les descentes et les remontées des âmes » – avec, à la fin, « la libération du devenir » (c’est-à-dire, des cycles des renaissances).

Suivent des pages essentielles sur le daïmon, propre à chacun (ό ίδίος δαίμων), ho idios daïmôn.

En fait, la difficulté tient au fait que ce daïmon personnel, ou individuel (idios, propre à une entité donnée), est double. Selon l’approche que l’on en fait : psychique, ou hautement spirituel, dans le terme du texte : « technique » (τεχνικη), ou « théurgique » (θεουργικη). La différence tient au niveau que l’on considère :

  • sous l’angle de la « nature » (φύσιϛ), physis, où se font les révolutions cycliques du monde créé (planètes, saisons…),

ou,

  • sans s’enfermer dans ces niveaux mouvants de la « manifestation », en s’élevant au plan des causes supérieures (τάνωθεν άιτια), ta anôthén aïtia [anothén = d’en-haut].

Le daïmon psychique peut être appelé « le maître de maison » (3) (όικοδεσπότηϛ), ho oïkodéspotès, en somme, le maître de l’horoscope de naissance. C’est l’homme « karmique », qui porte en lui toutes les tendances liées au passé, avec les possibilités karmiques offertes à la personnalité nouvelle, incarnée dans le contexte karmique particulier qu’il lui faut utiliser et affronter pour « exorciser la fatalité » (karmique). Le karma « inné », en somme.

Mais il ne faut absolument pas confondre ce « maître de maison », ce daïmôn natal (ό γενεσιουργοϛ δαίμων), ho génésiourgos daïmôn, impliqué dans le devenir (γενεσιϛ), génésis, actuel, avec le daïmon individuel, dont avaient parlé Socrate (4) et bien d’autres, et qui n’a rien à voir avec le thème astrologique de naissance (ce qui n’enlève rien à la valeur de l’astrologie des Chaldéens et Égyptiens IX, 4, soit dit en passant).

Pour ce qui est du daïmon propre à chacun, il existe sous forme de « modèle » (παραδειγμα), paradeigma, avant même que les âmes ne descendent dans le « devenir » (IX, 6). On peut consulter ici Plotin, Ennéade IV, 8…

Suivent des précisions sur le rôle du daïmôn lié à l’âme : « Dès que l’âme l’a choisi (ou accepté ?) pour le chef (ήγέμων), hégémôn, le voilà qui réalise les existences de l’âme ; quand elle descend dans le corps (είϛ τό σώμά), eïs tô sôma, il la lie à celui-ci, il régit son composé, règle sa vie particulière ». 

Bien plus : « tous nos raisonnements, nous les concevons grâce aux principes [d’intelligence ou manasiques…] qu’il nous communique ; nous faisons ce qu’il nous met dans l’intellect (νουϛ), noŭs, et il gouverne ainsi les hommes, jusqu’à ce que, par la théurgie hiératique, nous préposions un dieu à notre âme pour la surveiller et la commander ».

« Alors, ou bien il se retire devant l’être supérieur, ou il lui cède la surintendance, ou il se soumet de façon à lui apporter son concours, ou de quelque autre manière, il le sert comme un maître. »

« Le démon personnel ne guide pas quelqu’une des parties de notre être, mais toutes à la fois. »

Tout ce qui est en nous remonte à un seul daïmon. Ne distinguons donc pas « le daïmon du corps, celui de l’âme (psyché) et celui du Noŭs.

En résumé : « Unique est le daïmôn gardien [en grec (προστατηϛ), prostatès, qui est à la tête de, qui préside, le chef, ou le protecteur, le défendeur, le gardien] propre à chacun de nous ». « Il ne faut pas l’imaginer commun à tous les hommes, ou le même pour tous, ni commun à tous, mais attaché en particulier à chacun » (IX, 9). [Donc : à chacun son Kumâra particulier].

L’évocation des « daïmôn » se fait au nom de l’Unique Dieu, leur souverain, qui, dès l’origine (έξ άρχήϛ), ex archès, a déterminé pour chacun un daïmon particulier.

Dans la hiérarchie théurgique, « les inférieurs sont évoqués par l’intermédiaire des supérieurs (5). Pour les « daïmôn » (δαϊμων) aussi, le seul chef commun des maîtres du monde préposés au devenir (περί τήν γενεσιϛ κοσμοκρατορων) envoie aux divers êtres leur daïmôn particulier » ! Toutes les hiérarchies divines obéissent à la Loi Universelle.

Le texte évoque ensuite (IX, 10) trois hiérarchies sur des plans superposés différents, à ne pas confondre lors des évocations théurgiques.

En définitive, la félicité (εύδαιμογία), endaïmonia, réside dans l’union avec les dieux (X, 1), et sûrement pas en s’éloignant des dieux. (En somme, c’est le vrai yoga qui confère ânanda-fécilité) :

  • « La connaissance des dieux s’accompagne du retour à nous-mêmes, et de la connaissance (γνώσιϛ), gnôsis, de notre âme. »
  • « À qui tient sa pensée fixée sur les dieux, quel loisir reste-t-il de regarder en bas, vers des louanges humaines ? »

Suivent des réflexions sur la véritable omniscience, qui s’exprime dans l’art divin de la pro gnostication (ή θεία πρόγνωσιϛ, hè théïa prognôsis) à ne pas confondre avec les pressentiments instinctifs des tremblements de terre (τών σεισμων), tôn seïsmôn, orages, tempêtes, etc… propres aussi aux animaux. À ne pas confondre non plus avec des conjectures, fondées sur des observations prometteuses d’événements à venir (X, 3).

D’où la supériorité de la mantique divine [hè théïa mantikè] obtenue en élevant la conscience au niveau des dieux – ce qui a pour effet de nous rendre aussi véritablement divins (θείουϛ άληθώϛ), théious alèthôs, [X, 4].

Les dieux font bien les choses : « lorsqu’il faut exercer la vertu et que nous y sommes aidés par l’incertitude de l’avenir, ils nous le cachent, en vue du progrès de notre âme… ».

Si, au contraire, les âmes gagnent à la prévision, pour les sauver et les élever, ils implantent à l’intime de leur essence (des âmes) la prescience des oracles.

En fait, l’homme a subi une sorte de déchéance : (X, 5) « conçu comme divinisé (θεωτόϛ), théotos, uni auparavant à la contemplation des dieux, il s’est glissé dans une autre « âme », combinée à la forme spécifiquement humaine, et, par là, s’est trouvé pris aux liens de la nécessité (έν τώ δεομώ), én tô desmô, et de la « fatalité » [karma].

Comment s’en libérer ? Il n’y a pas d’autre moyen que la connaissance des dieux (ή τών θεων γνώσιϛ), hè tôn théôn gnôsis :

  • l’essence du bonheur : c’est d’avoir la science du bien,
  • l’essence du mal : l’oubli du bien et l’illusion au sujet du mal (mâyâ).

  • L’une est la connaissance du Père (ή γνώσιϛ τού πατρόϛ), hé gnôsis tou Patros.
  • L’autre est l’éloignement de Lui, et l’oubli du Dieu Père (χήθη τού πατρόϛ θεού), lèthè tou Patros théou, qui est antérieur à l’essence, et son propre principe (άυταρχων), autarchôn.
  • L’une sauve la vraie vie, en l’élevant vers son Père.
  • L’autre ravale « l’Homme primordial » (τόν γεναρχούντα άύθρωπον), ton génarchointa anthrôpon, jusqu’au flux perpétuel qui jamais ne demeure [qui coule sans cesse (άεί ρέοντοϛ), aéï rhéontos, souvenir d’une expression d’Héraclite : (πάντα ρέι), Panta rhei, « Tout coule »]. C’est l’impermanence.

La première voie, celle du bonheur conduit à la satisfaction noétique des âmes dans l’union divine (ένωσιϛ), « l’unification » complète. 

Suivent des compliments à l’endroit du « don hiératique et théurgique du bonheur », qui s’appelle « porte (d’accès) au dieu démiurge de l’univers, lieu ou cour du bien… ». Là, l’âme est « bien plus pure et parfaite que le corps… »

Au terme de l’ascension (X, 6) : « L’âme, unie successivement aux divers départements du Tout, et à toutes les puissances divines qui les pénètrent, est conduite par cet art au démiurge universel, est placée auprès de lui, unie avec lui, hors de toute matière (έκτόϛ πάοηϛ ΰλϟϛ), éktos pasès hulès, unie au Noûs Éternel, et à Lui seul. Finalement, l’âme est installée dans le dieu démiurge pris en totalité. 

« Tel est le terme de l’ascension hiératique chez les Égyptiens. »

Ainsi, les théurges se préoccupent de l’essentiel, qui est la purification de l’âme, son affranchissement et son salut. Autant de sujets qui ne sont pas « difficiles et inutiles aux hommes », mais, entre tous, profitables à l’âme.

L’ouvrage se termine par une prière aux dieux de garder infailliblement les vraies pensées, la vérité des choses éternelles, etc… la sanction même de l’amitié (φιλία), philia, l’amour fraternel) qui nous unit dans l’unanimité des pensées.

La richesse du livre de Jamblique mériterait une étude beaucoup plus approfondie. Il peut arriver que l’auteur revienne plusieurs fois au cours de l’ouvrage, sur des points essentiels.

Par exemple, l’idée que notre prescience diffère de l’instinct des animaux, qui sont « avertis » de la survenue de tremblements de terre proches, ou de pluies d’orage, etc… Éventuellement (III, 26), « grâce à une certaine acuité de leurs sens, ils pressentent les phénomènes qui se produisent déjà dans les régions de l’air, sans atteindre encore les lieux terrestres ». Également, « même si les arts, comme la navigation, ou la médecine, comportent la science de prévoir l’avenir, celle-ci n’a rien de commun avec la prescience divine (ή θεία προγνώσις), hè théïa prognôsis. Celle-ci est issue « d’une connaissance sûre, d’une foi inébranlable, à partir des causes, d’une compréhension indissolublement liée de tous les phénomènes entre eux, d’une reconnaissance, qui demeure toujours identique, de toutes choses comme présentes et déterminées » [en somme, une perception des phénomènes liés entre eux, hors du temps et de l’espace] (voir plus haut, le passage sur la pro gnostication).

Ailleurs (IV, 5), Jamblique évoque la loi (juste) de Karma. Il y a plein d’injustices dans le monde qui posent problème. On voit ainsi « des gens qui sont maltraités contre le droit, sans avoir auparavant commis aucune injustice. Ici bas, en effet, on ne peut raisonner sur ce qu’est l’âme, on ne sait combien de fautes elle a commises dans des existences antérieures (έν προτέροις βίοις), én proteroïs bioïs, et si, par hasard, elle souffre les maux qu’elle a infligés auparavant ». « Il est aussi beaucoup d’injustices qui échappent à la connaissance des hommes, mais qui sont connues des dieux ». Ainsi, « ils ne proposent pas de la justice le même idéal que les hommes. Ceux-ci définissent la justice (ή δίκαιοσυνη), hè dikaïosunè, comme ‘le devoir particulier à chaque âme’, et la répartition équitable, selon les lois établies, et le régime en vigueur ». Quant à eux, « les dieux fixent les yeux sur l’ordre total du monde (πρός τήν όλην διάταξιν τοϋ κήσμου), pros tèn holèn diataxin tou kosmou, sur la contribution des âmes (συντελειαν), sunteléïan, aux dieux, et c’est ainsi qu’ils portent un jugement sur les actions. »

On trouve ici une sorte d’écho de la Bhagavad-Gîtâ (III, 9) : « tout acte qui n’est pas accompli comme un sacrifice enchaîne l’acteur par l’action. D’où (III, 11) « Nourrissez-en les dieux afin que les dieux à leur tour vous nourrissent… »

On citerait aussi volontiers Platon (Lois, X, 903 C2-5) : « Tu n’as pas conscience, dans tout ce drame, que rien ne se fait, sinon pour cette fin, d’assurer, à la vie de l’univers, permanence et félicité, et que rien ne se fait pour toi, mais toi pour l’ensemble ». C’est la Loi de la vie de l’Univers, et les « dieux » sont là (en quelque sorte) pour gérer cette Loi.

Ces dieux ne sont pas des dieux « personnels », mais, dans le discours de Jamblique, ils « personnifient » la Loi Universelle dans ses décrets.

Pour l’auteur, il y a un « Ordre du Monde » (IV, 10), (ή έν τῷ κόσμω τάξις), hè én tô kosmô taxis.

Et « le Tout est un Vivant Unique » (IV, 12), (τό πᾶν ἔν ζῷόν ἐστιν), to Pan hen dzõon estin, ce qui entraîne un rapprochement de toutes les parties distantes de ce Tout, vers une union (idéale). Voir aussi VIII, 7. 

Dans cette approche métaphysique, on doit évoquer aussi l’idée d’une « Âme Universelle » (ὴ ὅλη ψυχη), hè holè psychè, « qui préside à tout le corps cosmique (τὸ πὰν κόσμικον σῶμα), to pan kosmikon sôma, (V, 2).

Pour résumer un peu tout ce qui précède : on dispose du cadre philosophique (ésotérique) que le théurge doit maîtriser parfaitement, pour entrer dans la pratique de la θεουργία, la Théurgie – la pratique, mystique, qui visera à libérer l’âme de ses liens terrestres et psychiques (illusoires) et à l’élever vers le Divin, en vue d’une Réunion totale avec cette Source initiale, et essentielle, de l’âme.

En somme, on aurait ici accès à une sorte de Yoga, pratiquée dans « l’ambiance » du « temple égyptien ».

On doit noter ici plusieurs points importants :

  1. Jamblique ne cite aucun temple connu en Égypte de son temps (lui-même s’est établi en Syrie, assez loin de la terre des Pharaons). Il ne cite pas non plus les dieux adorés en Égypte (Isis, Osiris, Seth, etc., etc.). On peut avancer que le « temple » est en fait, le lieu idéal, où la conscience se retire pour pratiquer le « yoga » préconisé par l’auteur. Peut-être : le temple « intérieur ».
  2. L’ouvrage discute assez longuement de l’utilité de sacrifices (τὰ θυσία), ta tusίa. Voir V, 1-26. Idéalement, le « culte » de « l’Un » (τδ Ἕν), to Hèn, n’a pas besoin de sacrifices « matériels » ? Mais, pour beaucoup de gens, le « sacrifice » offert doit être « visible », et aussi pur que possible. Ce qu’il faut sacrifier c’est tout ce qui fait obstacle à l’âme sur la voie de sa purification, son élévation vers ce qui est « extra-cosmique », et l’Union finale avec l’UN divin.
  3. Dans tout le texte, il n’est jamais question de Magie (en grec : Μαγεία : Magéïa). Une note du traducteur (p. 131) rappelle que Plotin « voyait dans la théurgie une magie, une (γοητεία), goètéïa, tout en admettant la « magie sympathique » comme un témoignage de l’unité vivante que forment les âmes ».

Rappelons que « γοητεία » vient du mot « γόης », enchanteur, sorcier, magicien et (finalement) charlatan, imposteur. Bien évidemment, la théurgie dont parle Jamblique n’a rien de tout cela.

On peut consulter le Theosophical Glossary, aux articles « Iamblichus », « Theurgia » et « Theugist », pour imaginer tout ce que ne dit pas Jamblique dans le texte examiné ici, où il n’est pas question de pratique d’évocations d’« anciens héros », de « dieux », ni de daïmonia (δαμτονία), d’entités spirituelles divines, aux termes de ce Glossary.  Dans l’article « Iamblichus », il est question d’une « invocation théurgique » par laquelle un prêtre d’Isis (à Rome) a fait apparaître l’image du daïmon familier de Plotin (en gros, le Soi Lumineux ou l’Augoéïdès de ce grand philosophe néoplatonicien : une entité divine !). Comme on peut le lire encore : « Il y a beaucoup d’éléments théosophiques dans ses enseignements… un puits de connaissance ésotérique pour l’étudiant ».

Madame Blavatsky a cité Jamblique (dans ses enseignements réservés à ses élèves) mais le texte cité est très probablement celui d’Alexander Wilder (publié en 1883-85), et non pas celui (plus connu) de Thomas Taylor. Ce document (rare), réédité en 1911 (à Londres et New York), n’est même pas cité dans l’édition des Collected Writings de H.P. Blavatsky. Wilder a contribué à aider H.P. Blavatsky dans la rédaction d’Isis Dévoilée (1877). Il a dû rester en contact avec elle.

Dans la partie mystique de l’ouvrage, il est beaucoup question aussi de la mantique (ὴ μαντικη, ou μαντεία), hè mantikè, ou mantéïa :

  • des rêves révélateurs (dans le sommeil profond), où les dieux font, spontanément, ces révélations qui nous font « atteindre l’avenir »,
  • de l’extase (ὴ ἔκστασις), hè ékstasis, et des degrés de l’ « enthousiasme auxquels les mieux disposés sont les enfants, les campagnards (cf. La Pythie de Delphes), les gens simples et les jeunes.

Une part importante est aussi réservée à la prière.

Pas question de faire des prières « personnelles », à des dieux personnels distants.

Le rôle de la prière, selon Jamblique, est de rapprocher l’orant de la réalité divine qu’il prie (non de demander) donc, dans cet élan du cœur intime qui vise l’Union, l’Unification avec le Divin, on ne saurait plus distinguer « l’évocateur » (l’entité humaine qui « prie ») et « l’évoqué », le Divin, qui occupe toute sa pensée. Quelle distinction ferait-on alors avec la méditation dont parle l’Orient. L’orant est, dirait-on, plongé dans une contemplation « unifiante » de l’objet de sa dévotion.

Jamblique écarte l’amour-érôs (ἐρως), trop fréquent dans la mythologie grecque, pour préférer l’amour-philïa (φιλία), qui ressemble comme deux gouttes d’eau à la fraternité, qui peut s’étendre pour devenir universelle. Il est question « d’une seule philïa » (en grec : (φιλία μία), philia mia, qui est encore évoquée dans les dernières lignes du livre : (ὴ φιλία πρὸς ἀλληλους), une philia entre les uns et les autres. On retrouve ce mot allèlous, dans la parole de Jésus : « aimez-vous les uns les autres » (agapaté allèlous).

Conclusion du livre de Jamblique. La félicité (endaïmonia) résulte de l’union avec les dieux et Jamblique conclue (valedico) : « Voilà ce que nous avons répondu sur les doutes que tu avais à l’égard de la mantique divine et de la théurgie. […] Je prie les dieux de nous donner à toi et à moi l’immuable conservation des pensées vraies, de nous accorder la vérité pour l’éternelle durée des durées et de nous faire participer à des connaissances plus parfaites sur les dieux ; car c’est en celles-ci que réside pour nous la bienheureuse fin des dieux et la garantie d’un amour unanime des uns envers les autres. » (6).

Notes

(1) Lien vers l’ouvrage The Egyptian Mysteries (traduction en anglais de l’ouvrage de Jamblique, par Alexander Wilder :   https://ia800205.us.archive.org/2/items/theurgiaoregypt00wildgoog/theurgiaoregypt00wildgoog.pdf

Lien vers l’ouvrage en français site de L’arbre d’Or en Suisse : https://arbredor.com/ebooks/Jamblique.pdf       [Retour texte]

(2) Disciple de Jamblique.   [Retour texte]

(3) Jamblique extrait du chapitre IX-5, Les Mystères d’Egypte :« S’il est possible de trouver le “maître de la maison” de la naissance, le démon qu’il impartit est sans doute lui aussi connaissable ; s’il est insaisissable, nous l’ignorons dans cette hypothèse, mais néanmoins le “maître de la maison” existe et de même le démon donné par lui ».  [Retour texte]

(4) Voir Plutarque : De Genio Socratis, 22, Marc Aurèle II, 13…).  [Retour texte]

(5) Ne faut-il pas prendre refuge d’abord dans Îśvara, le Logos, (Gîtâ, XVIII, 61…), puis prendre refuge dans le Maître Krishna, (Bhagavad-Gîtâ, XVIII, 63…). Il ne faut pas risquer de prendre le daïmon pour un dieu personnel, mais, au contraire, le voir comme l’émanation, active en nous, du Logos universel.   [Retour texte]

(6) Traduction du grec par Pierre Quillard - éd. L’arbre d’Or : https://arbredor.com.    [Retour texte]