La Science du Renoncement

La Science du Renoncement

Voici une très belle série d'articles sur le thème de la découverte du Maître intérieur, par Krishna Dasa, un Théosophe proche de la tradition Hindou. Cette série d’article fût publié dans la revue mensuelle Théosophie au cours des mois d’octobre 1931 à février 1932 (Volume VII).

Sommaire 

1.    Préambule
2.    Le premier vœu 
3.    « La rosée du Ciel » et « la rosée de Maya ». 7 
4.    L’ermitage de la vie et la cellule du cœur8 
5.    Le chanteur divin. 9 
6.    Le sermon du feu. 11 
7.    Les ombres de la nuit14 
8.    La pureté intérieure. 17 
9.    Les trois feux du respect20 
10.      Bhakti ou les lampes d’or de la dévotion. 23 
11.      La grande vigile. 25

1.        Préambule

« Celui qui, sans aspirer au fruit des œuvres, accomplit l’œuvre prescrite, est un Renonçant et un Yogi ; mais non celui qui néglige le feu sacré et l’œuvre sainte. » – La Bhagavad-Gîtâ (VI. 1.) ([i]).

« Connaissez-vous les grandes routes des nuées et les merveilles de celui dont la Science est parfaite ». –  Le Livre de Job (XXXVII. 16) ([ii])

LMI V11 2Vivre est un art difficile ! Nous échouons dans la Grande Recherche parce que nous ne savons pas vivre. La Théosophie a été souvent définie comme étant l’Art de Vivre, car elle nous apporte les éléments de connaissance qui nous permettront de nous élever vers la Sagesse réelle, vers cette Gnose éternelle qui est « La connaissance des choses qui sont » comme l’appelait Pythagore.

Mais si la Théosophie est l’Art de Vivre, elle est également une Science précise et expérimentale. Il ne s’agit pas de développer des pouvoirs psychiques ou d’être expert dans les « charmes » ou phénomènes de l’Enchantement, mais d’étudier et de vivre la Science Sacrée de l’Ame. Tant que la Théosophie n’a pas été rendue pratique et que nous ne l’avons pas vécue, nous n’aurons pas avancé d’un pas sur le Sentier de la Connaissance. Ce que nous avons appris intellectuellement, nous devons le faire descendre dans notre cœur, c’est alors seulement que nous percevons les Mystères de l’Ame. C’est l’Art de Vivre qui se découvre à nous.

Quelle est cette « Œuvre Sainte » et comment la pratiquer ? Telle est la question importante pour tous les étudiants Théosophes. La réponse nous est donnée, claire et précise, par notre Instructeur, Mme Blavatsky :

« Qu’ils (les étudiants) sachent dès le début, et qu’ils se souviennent toujours, que le véritable Occultisme ou Théosophie est la « Grande Renonciation au soi », absolue et sans restriction, en pensées et en actes. » ([iii])

Les chercheurs de merveilleux seront sans doute déçus. Ils se demanderont avec étonnement : comment le Renoncement peut-il nous ouvrir les portes secrètes de la Nature et de l’Homme ? Nous sommes étonnés parce que nous n’avons pas l’habitude, en Occident principalement de considérer les Vérités Spirituelles comme des vérités scientifiques. Si nous réfléchissons, si nous étudions les Enseignements purs de la Sagesse archaïque, nous découvrirons que l’idée de Renonciation n’est pas une simple idée spirituelle, mais qu’elle est un axiome scientifique, et qu’à la base de l’Art de Vivre existe une véritable Science du Renoncement.

Dans ses grandes lignes cette Science consiste à renoncer au soi personnel, ou à « élever le soi par le Soi » ([iv]). Cela demande une connaissance intime des forces qui régissent notre être, et seule la philosophie de la Théosophie peut nous la donner. Une fois que nous avons appris à connaître nos propres pouvoirs, nous serons mieux à même de discerner notre position vis-à-vis de nous-mêmes et de ceux qui nous entourent.

La Science du Renoncement va du connu à l’Inconnu. Le connu, pour nous, est le monde phénoménal, le monde de nos cinq sens, dans lequel nous vivons généralement et dans lequel nous avons amassé des expériences sans nombre. L’Inconnu est le monde de l’Esprit où nous n’avons pas établi notre demeure permanente. Il s’agit, pour nous qui voulons accomplir l « Œuvre Sainte », dont parle la Gîta, de renoncer au soi personnel, à ses activités grossières, au connu, pour vivre de la vie de l’Esprit, l’Inconnu, qui n’est pas tout à fait inconnu, car sans cela nous n’irons pas à la recherche de notre Ame immortelle. En effet, des clartés brusques ont percé de temps à autre les brouillards de notre vie passionnelle et émotive, comme les éclats rapides d’un phare percent la nuit noire ; et ces clartés ont suffi pour nous prouver la réalité d’un monde qui existe dans les champs sans bornes de notre Conscience Spirituelle ; nous savons, en tant qu’idée innée, que ce monde est là, en nous, ayant ses lois propres, dont le mécanisme nous restera caché tant que nous n’aurons pas fait un pas en avant dans la direction de cet Inconnu de l’Ame. Il nous faut ainsi quitter le monde changeant de notre « soi » personnel pour nous fixer dans le Soi éternel, qui ne change jamais.

Les règles de la Science du Renoncement nous sont données dans certains livres connue la Bhagavad-Gîta, la Voix du Silence, la Lumière sur le Sentier. Les règles d’Or sont là, à notre portée, à nous de les mettre en pratique par nos efforts volontaires et persévérants. Dans ces livres, les Paramitas, « les nobles portes de vertu qui mènent à la Sagesse », brillent comme autant de joyeux étincelants, joyaux qui formeront la couronne du Sacre que le vainqueur doit poser lui-même sur sa tête.

À l’aide de ces trois livres précieux et immortels, nous nous proposons, dans une série d’articles, d’exposer quelques détails importants de la Science pure de l’Ame, qui pourront, peut-être, servir de points de repère à ceux qui désirent quelque chose de plus qu’une simple nourriture intellectuelle. Ce premier article n’est qu’un Préambule donnant quelques lois générales de la Science du Renoncement.

Dès que nous avons formulé en nous le vœu de vivre selon les lois spirituelles de notre être, nous devenons des étudiants de la Science Sacrée et par conséquent de la Science du Renoncement.

Au début de notre apprentissage, cette Science nous paraît assez facile. La Vie Spirituelle est simple, en effet, comme tout ce qui touche à l’Ame Pure. Mais, à mesure que nous avançons sur ce Sentier nous constatons que plus la simplicité de la Vie de l’Ame est grande, plus elle est difficile à réaliser. Dès le premier pas fait dans cette direction, nous sommes placés à un carrefour.

LMI V11 3Déjà, sonne pour nous l’heure du choix. Bien d’autres heures de choix sonneront pour nous dans l’avenir… Mais dès que nous avançons à la rencontre de notre Ame Divine, le premier son de cloche tinte inexorablement, nous avertissant que nous devons choisir. Choisir entre l’Inconnu Divin de l’Ame, ou le connu passager et humain de notre nature inférieure. Le conflit est né entre nos deux natures distinctes : la Divine et la Démoniaque. Renoncer à la bataille c’est retourner à l’obscurité de nos appétits charnels où tout est trouble, souffrance et égoïsme. C’est « la plus grande des Guerres » qui va se livrer en nous. D’une part, c’est la meute ténébreuse et malfaisante de nos passions et désirs qui est déchaînée ; d’autre part, c’est la Paix des hauteurs immaculées où brille dans tout son éclat la gloire incomparable de l’Esprit. Il faut choisir : si nous choisissons la Vie de l’Esprit, nous devons renoncer pour toujours à la vie factice de nos sens, à son emprise et à son illusion. Mais comme on nous l’a dit : « L’âme est elle-même de la caste de Kshattriya » (1). Elle est le Guerrier qui combat dans la juste guerre et qui voit face à face, d’un regard d’aigle, clair et ferme, les difficultés de la lutte. Aussi, en tant Guerrier nous ne devons pas craindre la rude entreprise du Renoncement à soi-même, du renoncement au connu pour conquérir l’Inconnu, le monde de la Réalité.

Tout est possible à celui qui veut de toutes ses forces. Au début du combat, il peut se faire que nous ne soyons pas encore aguerris et que nous sentions dans la partie sensitive de notre être comme un vide douloureux, que rien, nous semble-t-il, ne pourra combler ! Ce « vide » est dû au dépouillement volontaire de nos appétits terrestres et passions animales. Quand nous apercevons la Lumière de l’Esprit, nous ne pouvons plus vivre comme autrefois, nous ne pouvons plus « céder sans honte » aux appels insidieux de la chair, et comme nous ne sommes pas encore assez dépouillés de notre nature passionnelle pour nous fixer continuellement dans la partie divine de notre être, il semble que nous sommes plongés dans un vide obscur. Ne soyons pas troublées, ce vide est nécessaire. Car :

« Le sanctuaire doit être vide de toute action, son ou lumière terrestre… toutes pensées terrestres doivent tomber mortes devant le temple. » ([v]).

Ne nous trompons pas ! Cela ne signifie pas que nous devons vivre comme le « religieux » qui repousse tous les devoirs de la vie pour s’adonner à une contemplation égoïste en se retirant dans la jungle ou dans un monastère, Non. La Vie Spirituelle, sachons-le dès le commencement est l’accomplissement de tous les devoirs de la vie, dans la Vie. Mais dans cette exécution du travail intérieur, le « sanctuaire doit être vide » de tout ce qui n’est pas spirituel ou divin. En d’autres mots, nous devons « vider » notre mémoire cérébrale de toutes les formes ou images appartenant à l’âme animale en nous. Nous avons à rendre le cerveau « poreux » aux influences de l’Esprit ; aux « murmures de Bouddhi ». Cette œuvre demande du temps, de la patience et un effort quotidien.

Cette épreuve préliminaire peut nous sembler amère. Cependant, nous devons chasser toute crainte. Sans relâche, avançons en nous frayant notre route « hors de la boue des mensonges terrestres » ([vi]). Mais, n’espérons pas vivre les deux vies à la fois : la vie de l’Esprit et la vie animale. « Les eaux pures de la vie éternelle, claires et cristallines, ne peuvent se mêler aux torrents boueux des tempêtes de la mousson. » ([vii]). Comme l’exprime d’une autre façon H.P. Blavatsky : « Comment l’harmonie peut-elle être atteinte et maintenue, si l’âme est souillée et distraite par les tourbillons des passions et des désirs terrestres des sens corporels, ou même de l’ « homme Astral » ? ([viii]) Et pour nous montrer tout le processus vigoureux, clair, sans détours de la Science du Renoncement, notre grand Instructeur ajoute cette phrase :

« Cet « Astral » n’est pas le compagnon de l’Ego divin, mais du corps terrestre. C’est uniquement quand la puissance des passions est complètement anéantie, quand ces dernières ont été broyées et annihilées dans le creuset d’une volonté inflexible, quand non seulement tous les appétits de la chair sont morts, mais lorsque le sentiment même du soi personnel est tué, et l’« Astral » réduit par-là à un zéro, que l’Union avec le « Soi Supérieur » peut s’accomplir ;… que le brillant Augoeides, le Soi divin, peut vibrer en harmonie consciente avec les deux Pôles de l’Entité humaine – l’homme de matière purifié et l’Ame Spirituelle toujours pure – et se tenir en présence du SOI qui est le MAÎTRE ? Le Christos… uni à LUI à tout jamais. » ([ix])

Telle est l’« Œuvre Sainte » qui nous attend tous, si nous voulons posséder la vraie connaissance, celle qui découle de l’Esprit. « C’est une tâche presque impossible », diront quelques-uns. Non ! Rien n’est impossible pour le « Guerrier » sans crainte. L’Intrépide voyageur qui veut atteindre le sommet élevé de la montagne sait très bien qu’il n’atteindra pas la cime à sa première ascension. L’effort demandera une préparation rigoureuse ; de courtes ascensions l’entraîneront peu à peu, et le jour arrivera enfin pour lui où, lentement mais sûrement, d’un pas mesuré et ferme, il gravira les pentes escarpées jusqu’au sommet. Durant sa marche, il peut y avoir des passes difficiles, certes, cependant il ne regrettera pas son effort, car la beauté des gorges profondes, le grand vent soufflant sur les plateaux, et la paix des cimes, seront pour lui la plus grande des récompenses.

Dans notre ascension vers l’Esprit, nous ne pouvons espérer atteindre le But en quelques mois ou en quelques années. Le Grand pèlerinage des Vies terrestres s’accomplit sur la Grande Route éternelle du Temps ! Chaque effort fait dans la direction des Cimes de l’Esprit nous rapproche, malgré tout, du But. Et comme le voyageur de la montagne, nous ne regretterons pas nos efforts ! Car, peu à peu, degrés par degrés, à mesure que nous accomplirons l’Œuvre, le « Feu Sacré » éclairera notre Sentier et dans notre vie de chaque jour descendront la vraie JOIE et un BONHEUR immense ! Plus nous agirons pour l’action elle-même sans égard pour le résultat de l’action, plus la PAIX, « la Paix qui dépasse toute compréhension » deviendra notre partage. « Essayez ! Essayez ! » S’écrient les Grands Êtres. Faisons l’effort, ne soyons pas sourds à cet appel ! Entrons dans les Royaumes de l’Être embaumés par les Parfums Divins de la Connaissance, de la Joie et de la Paix !

Réussir : c’est aller vers « les grandes routes des nuées », dont nous parle Job, les routes de Lumière ; c’est devenir, comme le dit Krishna, un « Yogi », un « Renonçant », un Maître de la Vie ! CEUX « dont la science est parfaite » nous ont montré le Sentier. Ce qu’ILS ont fait, nous pouvons le faire. Ce qui est acquis l’est pour toujours. Mais ce qui doit être fait doit l’être dans le seul but de SERVIR. C’est la condition sine qua non.

Il y a dans l’Apocalypse de Saint Jean, une phrase profonde qui nous montre CEUX qui, par la Science du Renoncement, ont accompli Leur Pèlerinage et qui ont atteint l’ « autre rive » :

« Alors un vieillard me dit : “Ceux qui sont revêtus de robes blanches, qui sont-ils et d’où viennent-ils ?” Je lui dis : “Mon Seigneur, tu le sais”. Et il me dit : “Ce sont ceux qui viennent de la Grande Tribulation”. » ([x])

Le pèlerinage de la Vie est une Grande Tribulation. La descente dans la Matière est suivie de l’Ascension vers l’Esprit. Puissions-nous surmonter victorieusement tous les dangers ! Puissions-nous revêtir la Robe Blanche de la Renonciation et appartenir à la Confrérie de CEUX « qui viennent de la Grande Tribulation » et qui sont les Maîtres de Sagesse et les Gardiens de la SCIENCE SACRÉE !  [Retour Sommaire]

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2.        Le premier vœu

 « Désire la paix avec ferveur.

 « Désire les possessions par-dessus tout.

 « Mais ces possessions doivent appartenir uniquement à l’âme pure... »

                                                   La Lumière sur le Sentier – I, v. 14-16.

LMI V11 4Dans le Vishnou-Purana ([xi]), Parasara le Sage rapporte à Maîtreya, les paroles de Prahlada : « Vraiment, je vous le dis, dans cet océan du monde, dans cette mer abondante en chagrins, Vishnou est votre seul espoir. Les hommes disent dans leur jeunesse : « Je suis bien jeune encore, mais quand je deviendrai vieux, je ferai ce qui est nécessaire au bien de mon âme. » Plus tard, ils disent : « Je suis vieux maintenant, comment pourrais-je, lorsque mes facultés m’abandonnent, accomplir ce qui est resté inachevé lorsque ma force était entière. » C’est ainsi que les hommes, lorsque leurs esprits sont distraits par les plaisirs des sens, font toujours des projets et n’arrivent jamais au bonheur final ; ils meurent altérés »…

Les hommes, à cet égard, n’ont pas changé depuis l’époque de Parasara, le Sage ! Nous formulons constamment des résolutions et combien meurent à peine écloses ! Tous les êtres cherchent la paix, fuient les souffrances et ne trouvent que luttes, tourments et guerres ! Tel est le grand paradoxe de la Vie.

L’homme veut la paix, il tue la Paix. L’homme veut le bonheur, il tue le Bonheur. Celui qui désire pratiquer la Science du Renoncement doit apprendre la raison de ce paradoxe : elle gît dans les profondeurs de notre conscience, et si nous voulons avancer dans cette Science, nous devons distinguer les deux grandes lois qui gouvernent notre être.

En nous, l’Esprit et Psyché sont les deux acteurs qui jouent leurs rôles sur la scène de la vie. Ce sont là les deux aspects de l’Homme.

L’Esprit (Eros, dans sa vraie signification d’Amour Divin et non charnel) est le Rayon Divin – Atma – l’étincelle sacrée venue de la Flamme. Sans naissance, éternel, immuable, sans changement, c’est le Pèlerin immortel ; le « Pur Lotus qui vient des régions Solaires », comme l’enseignaient les Egyptiens ; le Nous des Grecs ; le « Père qui est dans le Secret », de Jésus ; le Principe Christ dans l’Homme : « Je souffre les douleurs de l’enfantement », disait Saint Paul, « jusqu’à ce que Christ soit formé en vous », (Epître aux Galates, IV, 19). « Christ est en vous », disait-il encore (Epître aux Romains, VIII, 10). « L’âme », dit Jacob Böhme, « est le feu magique qui n’a jamais eu de commencement et n’aura pas non plus de fin. » ([xii]). Dans l’Inde antique c’est « le Suprême Brahman » qui demeure dans tous les êtres. Krishna nous enseigne : « Dans le cœur de tous les vivants, Arjuna, réside un maître qui les fait mouvoir par sa magie, comme par un mécanisme caché. Réfugie-toi en lui de toute ton âme, ô Bhârata, par sa grâce tu atteindras la paix suprême, la demeure éternelle. » (Gîta, XVIII. 61.) « Dans ton cœur, cherche l’Homme éternel, et l’ayant trouvé : Regarde en toi-même, tu es Bouddha » (La Voix du Silence) ([xiii]).

Voilà le Rex Lucis, le « Seigneur de Splendeur », le Diamant aux mille facettes qui demeure en nous, dans les profondeurs de notre Conscience Spirituelle – l’AME DIVINE.

Illimitées et magiques sont ses Pouvoirs !

1° En premier lieu ; le Pouvoir de la Connaissance. Le mental ordinaire voit l’Univers tel qu’il lui apparaît à travers les lentilles déformées de son éducation ; l’Ame Divine voit l’Univers tel qu’il est. C’est le monde de la Connaissance Pure : la Vérité sans voiles.

Le Pouvoir de l’Amour – Eros – le Principe créateur et divin, le Pouvoir qui est de toute éternité, l’Océan de la Vie, de la Lumière et du Bonheur, le Germe Divin dans tous les cœurs.

Le Pouvoir du Sacrifice : l’Amour Pur et Divin ne prend rien, il donne tout. Ce Pouvoir s’élève triomphant dans la Conscience d’un Krishna, d’un Bouddha, d’un Christ !

Le Pouvoir du Service qui découle du Sacrifice et de l’Amour, car l’Amour ne détruit pas, l’Amour Divin aide, console et construit toujours.

Ce sont là les caractéristiques essentielles de l’Homme Réel, de l’AME DIVINE. D’autres Pouvoirs sont à l’œuvre et se dévoileront à nous, dans le cours du Temps. Dans l’Ame Divine : tout est Connaissance, Amour, Sacrifice, Service, Beauté, Ordre et Paix – quelques-unes des cordes de la Lyre Divine.

Si nous entrons maintenant dans les sombres demeures de notre être inférieur, dans le domaine de la passion et de nos désirs grossiers, tout ce qui est élevé dans la partie supérieure de notre Conscience se transforme dans la partie inférieure en Ignorance, Sensualité, Egoïsme, Laideur, Chaos, Guerre : c’est l’âme animale – Psyché. En haut : la Lumière. En bas : les Ténèbres.

La compréhension de ces deux aspects de l’Homme nous montre pourquoi nous sommes de grands tourmentés. Continuellement nous oscillons entre la Lumière et les Ténèbres – les deux voies éternelles du Monde. Connaissance, Paix, Amour, Ordre, Sacrifice, Beauté… sont les idées innées gravées en lettres de feu dans notre nature divine, nous les sentons vraies, et quand nous voulons les faire descendre dans l’aspect inférieur de l’être, la Paix se change en guerre, la Beauté en laideur, l’Amour en sensualité, la Connaissance en ignorance. Et nous nous écrions avec Saint Paul : « Je ne fais pas le bien que je voudrais faire, et je fais tout le mal que je ne voudrais pas faire. » ([xiv])

Où est l’issue ? La Science du Renoncement nous répond : « C’est du Bourgeon du renoncement à soi-même que jaillit le doux fruit de la délivrance finale. » ([xv])

Saisissant sa nature entière, le candidat à la Sagesse voit qu’il doit renoncer aux appétits désordonnés de son âme animale, qu’il doit transmuer tous ses désirs grossiers en désirs spirituels, fixer à jamais sa conscience inférieure – Psyché – dans l’Esprit – Eros – où tout est Connaissance, Amour, Beauté, Ordre et Paix.

Aller au Centre de nous-mêmes, vers l’éblouissante Lumière ; désirer ardemment les « possessions appartenant à l’Ame Pure » : tel est le PREMIER VŒU que nous devons formuler, maintenant, dans le Silence de notre Cœur et qui nous conduira vers les régions de l’éternelle Félicité.  [Retour Sommaire]

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3.        « La rosée du Ciel » et « la rosée de Maya »

« La vraie connaissance est la farine, la fausse Science est la balle. Si tu veux manger le pain de sagesse il te faut pétrir la farine avec les eaux claires d’Amrita (l’immortalité). Mais si tu pétris de la balle avec la rosée de Maya, tu ne peux que créer de la nourriture pour les noires tourterelles de la mort. » La Voix du Silence, p. 44.

LMI V11 5Dans la pratique de la Science du Renoncement, la Théosophie réelle nous apprend à diriger nos pas. Elle nous met en garde contre certains dangers qui attendent les fous imprudents qui, grisés par une sorte de folie du renoncement, compriment leur nature animale sans le recours d’une Force puissante qui les aidera constamment sur le Sentier de la Vie, et sans laquelle l’étudiant échouera dans son entreprise.

H.P. Blavatsky nous parle de ces débutants qui « s’imaginent pouvoir purifier et élever les passions animales tout en conservant en eux ([xvi]), pour ainsi dire, la furie, la force et le feu… Ils se contentent d’étouffer et de tenir en échec, par un puissant effort de volonté, les flammes ardentes, laissant couver le feu sous une mince couche de cendres » ([xvii]). Et notre Grand Instructeur ajoute : « Qu’ils (les étudiants) sachent dès le début, et se souviennent toujours que le véritable Occultisme ou Théosophie est la « Grande Renonciation au soi », absolue et sans restriction, en pensée et en actes » ([xviii]).

Remarquons ces mots : « en pensées et en actes ». Les fous imprudents se contentent de renoncer aux actes, mais non aux pensées. Voilà le danger ! A la surface, l’étudiant a l’apparence d’un saint ; à l’intérieur, c’est un ciel noir zébré d’éclairs rouges où gronde la passion. Ses actes sont dirigés par une volonté inflexible ; ses pensées sont empoisonnées par le virus mortel de ses appétits grossiers, et sont autant de furies tentatrices qui l’excèdent, le rongent et le dépriment.

L’aspirant a confondu la « balle » avec la « farine », la « fausse science » avec la « vraie connaissance ». Il a cru, dans son ignorance, qu’il suffisait de renoncer aux actes, alors que ses pensées continuaient à être « pétries avec la rosée de Maya », la rosée de l’illusion crées par nos sens. Illusion dangereuse qui nous conduira à la douleur, aux chutes nombreuses, et pire encore : au dégoût amer de nous-mêmes !

Tous les étudiants rencontrent les mêmes difficultés. Où trouver le remède qui les guérira ? Qu’est-ce qui apaisera et purifiera sûrement leurs désirs ?

La Théosophie nous répond : l’ÉTUDE DE LA VÉRITÉ. Non pas la froide étude intellectuelle, mais l’étude guidée par le « Cœur ». Il n’y a qu’Une Vérité. Et tout ce que nous pouvons faire, c’est d’essayer de toutes nos forces d’assimiler quelques aspects de la Vérité. Où la trouver ? Dans le Message Éternel de la Théosophie qui se dresse devant nous dans une clarté flamboyante. Il est chanté, comme une psalmodie puissante, par tous les Grands Prophètes de l’Esprit, tous les Fils de Dieu le reçoivent et le transmettent. Et dans notre Cœur, il doit descendre comme la rosée fraîche du matin.

La VÉRITÉ est la « Rosée du Ciel », « l’eau claire d’Amrita », (l’immortalité).

Notre être inférieur est revêtu des durs cristaux de nos passions. Un par un, ces cristaux se forment en nous sous l’emprise de la colère, de la volupté et de l’avarice : « Les trois portes qui nous conduisent en enfer », dit Shri Krishna ([xix]). Seule, la « Rosée du Ciel » peut les dissoudre, et les Grands Sages ne sont arrivés aux Sommets où ils se trouvent que par l’assimilation absolue de la Vérité. Car,

« La vérité », nous dit H.P. Blavatsky, « symbolisée par les alchimistes sous la forme de la Rosée du Ciel, était descendue dans leurs cœurs, et tous ils l’avaient cueillie sur le sommet des montagnes, en étendant des draps de lin immaculés pour la recevoir, c’est ainsi que, dans un sens, ils s’étaient assurés à eux-mêmes, chacun de son côté, le dissolvant universel » ([xx]).

La « Rosée du Ciel » est bien le grand Dissolvant, l’Alcahest véritable, la Vérité qui fera fondre les cristaux de nos passions. Lentement, peu à peu, elle nous purifiera, et de notre Etude profonde de la Vérité nous sortirons pacifiés, pénétrés d’un vrai bonheur, regardant l’avenir avec confiance. et à mesure que nous gravirons les pentes de la Montagne de la Connaissance, les voiles ténébreux de nos désirs se transformeront en « voiles de lin immaculés », pour recevoir avec plus de plénitude la « Rosée du Ciel ».

Telle est la Régénération Spirituelle que nous devons accomplir chaque jour, chaque jour, chaque jour, dès que le Soleil de l’Esprit se lève à l’horizon de notre Conscience Humaine ! Et cela non pour notre propre satisfaction ou glorification personnelle, mais pour aider les Hommes, nos Frères, à trouver à leur tour la « Rosée du Ciel ».  [Retour Sommaire]

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4.        L’ermitage de la vie et la cellule du cœur

« Ne crois pas que s’asseoir dans les forêts sombres, dans une hautaine réclusion et à part des hommes… te conduira au but de la délivrance finale. » La Voix du Silence, page 46.

LMI V11 6« Je ne peux pas vivre la Vie Spirituelle dans la Vie ! » Telle est la plainte ardente de certains étudiants. Et ils ajoutent : « Ah ! Si je pouvais me retirer dans un monastère ou dans le calme des montagnes, alors je pourrais vraiment étudier et vivre la Théosophie ! »

A première vue, cette plainte paraît fondée, car les difficultés de la vie, les soucis, les chagrins, semblent être des obstacles sérieux à notre avancement intérieur et à notre étude. Il est tentant de s’en aller dans une solitude afin de pouvoir nous consacrer à la Régénération de notre être. Mais dans notre soif de recueillement, nous oublions :

1° Que les circonstances actuelles de notre vie ont été créées par nous-mêmes, dans cette vie ou dans une autre ;

2° Que nous emporterons dans notre solitude nos défauts et nos passions, par conséquent, le déplacement physique ne provoquera pas un déplacement de conscience. Si nous sommes paresseux dans le tumulte des villes, nous serons toujours des paresseux dans la thébaïde choisies par nous.

3° La retraite dans un lieu écarté est un désir entièrement égoïste, et vouloir commencer l’ « Œuvre Sainte » avec un motif dénué de spiritualité, c’est déjà entacher notre Œuvre d’une souillure. Le motif détermine le résultat.

Le « Livre des préceptes d’Or », La Voix du Silence, combat ce désir d’aller dans la solitude pour essayer d’y vivre la Vie Spirituelle, et il nous avertit « que s’asseoir dans les forêts sombres, à part des hommes, ne nous conduira pas au but de la délivrance finale ».

La Vie des êtres Bénis nous montre qu’Ils sont allés sur les Grandes Routes des Hommes, renonçant ainsi au « doux mais égoïste repos des lieux sauvages » ([xxi]) pour donner aux enfants de la Race Humaine les sublimes Vérités qui les sauveront.

La Régénération Spirituelle de notre Ame doit s’accomplir dans la Vie, là où nous sommes, sans chercher à fuir les devoirs qui nous entourent. Devons-nous chaque jour aller à l’usine, aux champs, à notre bureau, vendre des marchandises, aller devant notre toile inachevée ou pétrir la glaise de laquelle sortira peut-être un chef d’œuvre ? Soit ! Allons à notre tâche journalière, si humble soit-elle, mais transformons-la par le Pouvoir de l’Esprit… et la Vie s’illuminera. Ne laissons pas la vie matérielle et brutale l’emporter sur la Vie Profonde de l’Ame. Et nous verrons que la Vie est le Grand Ermitage où s’élaborent les forces purificatrices qui régénéreront notre tâche quotidienne.

La vraie Solitude est dans le Cœur. C’est là où est la Cellule paisible et recueillie. Sa fenêtre donne sur les cimes immaculées de l’Ame Divine. Et les touches de l’Esprit sont autant de cloches légères qui nous invitent à la Prière profonde, à l’élévation de tout notre être vers ce qu’il y a en nous de plus sacré, de plus pur.

Quand nous avons trouvé cette Solitude, le tumulte extérieur n’a plus de prise sur nos sens. Les mains, le cerveau, accomplissent l’œuvre immédiate avec précision et amour parce qu’ils sont guidés par le Pouvoir du Grand Ascète en nous – SHIVA – le Patron de tous les Ascètes !

Le Service des Hommes est le talisman royal, l’Autel sur lequel nous devons disposer tous nos actes. Nous devons le parer de toutes les fleurs pures du Sacrifice, de la Dévotion aux intérêts des autres. Cet Autel est dans la Cellule du Cœur. Quand le désir du Service brûle dans le cœur de l’étudiant : la marche de l’Ame est assurée. Chaque matin, dans la journée, le soir, avant de nous retirer pour la Nuit, pensons, pensons que l’Amour que nous donnons vaut mieux que l’amour égoïste que nous prenons. Un poète disait : « j’aime à aimer !» L’inquiétude, la mélancolie que nous lisons bien souvent sur les visages de nos compagnons, viennent de la méconnaissance de cette loi du service. Ils n’ont pas donné entièrement leur vie à la Grande Cause de la Théosophie.

Il y a des étudiants qui veulent bien donner un peu de leur temps, un peu de leur travail ou de leur argent, à condition que cela ne dérange pas trop ! Et ils veulent cependant que les Portes de la Sagesse s’ouvrent toutes grandes devant eux ! Ils n’ont donc pas compris que le Renoncement à soi-même, et le Service, sont les premières Règles Saintes de la Vie Spirituelle ! Ils veulent des preuves de l’Enseignement, ils aspirent aux faveurs des Maîtres, et ils ont oublié que le « Mot de Passe » est : RENONCER A TOUT SANS CONDITION.

Le mystique chrétien dit : « Nous devons suivre Jésus nu sur la Croix ! » Cette nudité de l’Ame est le symbole du Renoncement. Il faut nous dépouiller de tous nos voiles d’illusion. Ayons donc le courage de nous regarder bien en face, dans notre Cellule intérieure, la Cellule du Cœur dans l’Ermitage de la Vie, et demandons-nous loyalement si nous sommes prêts à faire tomber pour toujours nos voiles d’hypocrisie, de mensonge, d’adulation personnelle et d’avarice : d’être nus enfin, entièrement nus de nos erreurs sur la Croix du Renoncement ! Si nous sommes sincères, si nous ne nous mentons pas, si notre réponse est affirmative, alors, alors seulement nous serons capables d’avancer plus avant sur le Sentier des Sages !

L’inquiétude et la mélancolie n’existent pas sur les traits de celui qui a donné sa vie pour le service des autres. Le bon service qui réconforte et qui donne chaud au cœur est le reflet de la joie sainte de l’Amour.

Allons, frères, sœurs, amis, dans le Grand Ermitage de la Vie en semant dans le sillon des Ames les graines du Service, de l’Amour et de la Connaissance. Emportons avec nous, n’importe où, la Cellule intérieure où s’érige l’Autel du Service. Chaque pensée d’aide donnée aux autres sera une fleur nouvelle sur l’Autel de notre Cœur.

Ainsi, viendra le grand Recueillement fécond et sûr, le recueillement qui découle de la conquête de nos désirs grossiers. Quand les passions sont conquises, naît la Paix Sainte dans laquelle nous pouvons entendre ce que les oreilles humaines n’entendront jamais, mais que notre Cœur seul entendra : « Les Murmures de Bouddhi » — L’Âme Divine !  [Retour Sommaire]

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5.        Le chanteur divin

« Le premier son est comme la douce voix du rossignol chantant à sa compagne un chant de départ. » La Voix du Silence – page 25.

LMI V11 7L’affirmation de tous les Grands Sages que pour naître à la Vie de l’Esprit, il faut d’abord reconnaître que nous appartenons à l’Esprit, est un fait évident dont nous apprenons toute la valeur en pratiquant la Science de l’Ame – qui est essentiellement la Science du Renoncement.

L’entretien de Jésus avec le Pharisien Nicodème nous montre les deux sentiers éternels du monde, déjà indiqués par le Bouddha et Krishna, des siècles avant le Galiléen : La Lumière et les Ténèbres, le Divin et l’Humain, l’Esprit et la Matière, l’Esprit et la chair. « Ce qui est né de l’Esprit est esprit ; ce qui est né de la chair est chair » ([xxii]), dit Jésus à Nicodème, pour lui affirmer que « si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le Royaume de Dieu » ([xxiii]).

Dans l’analyse de nos états de conscience, la Théosophie nous enseigne qu’au-delà de nos sensations, émotions, passions, réside l’Esprit éternel, immuable, sans changement : le CHANTEUR DIVIN.

Dans les anciens Mystères de l’Inde, de l’Egypte, de la Grèce, la Naissance du Printemps a toujours symbolisé la Naissance de l’Ame, notre naissance à une vie supérieure. Dans les Mystères de l’Egypte le néophyte se présentait au Temple et demandait : « Me sera-t-il permis de respirer la Rose d’Isis, de voir la Lumière d’Osiris ? » Et la réponse venait, invariable, celle de tous les temps : « La Vérité ne se donne pas, elle s’acquiert. On la trouve en soi » ([xxiv]). Après des années d’efforts, à l’équinoxe du Printemps, le néophyte sentait en lui la naissance d’un nouvel être – la Rose d’Isis s’épanouissait sur l’Autel de son cœur.

En Grèce, dans les mystères de Dyonisos et dans les sanctuaires d’Apollon, au moment où les narcisses fleurissaient, le même grand événement de l’Ame se produisait dans la Vie profonde du Disciple.

Chaque année, comme toujours, le retour cyclique des saisons continue à faire fleurir les narcisses au Printemps. La Terre se pare de bourgeons, de feuilles, de fleurs et de fruits : annonce des moissons futures. Et dans notre nature, comme autrefois, le Chanteur Divin peut se faire entendre. De quelle manière ? Quel est Son Chant ?

Sa présence se révèle à nous à mesure que nous brisons les liens de la chair en général. Dans le Katho-Upanishad, le Sage nous dit :

« La Véritable nature de l’âme se manifeste lorsqu’elle a d’abord été perçue par la notion de l’existence…Quand tous les liens du cœur sont brisés en cette vie, alors le mortel devient immortel. (Katho-Upanishad. VI. 13. 15.)

La « notion de l’existence » de l’Esprit est cette perception d’un état de conscience tout à fait différent de celui dans lequel nous avons l’habitude de vivre. Tant que nous avons vécu selon la loi de l’homme animal, les sensations violentes de nos désirs grossiers ne nous ont apporté que ténèbres et souffrance. Les seules joies réelles, l’unique paix ou bonheur, ont été dans ces moments rares, où, la nature animale étant pacifiée pendant un temps, nous pouvions laisser libre cours aux énergies supérieures de l’Ame. Rappelons-nous ces moments heureux où nous avons aidé peut-être une âme en détresse ; où nous avons apporté un peu de lumière à celui ou à celle qui l’attendait comme un viatique ; où nos mains fraternelles se sont tendues spontanément vers celui qui souffrait d’une terrible angoisse ! Ces humbles actes, insignifiants en apparence, ont été cependant les grains d’encens qui ont peu à peu parfumé notre vie du Parfum Pur de la Sagesse, à mesure que nous les répétions chaque jour comme des mantrams !...

Nous sommes ainsi entrés imperceptiblement dans un nouvel état de conscience qui ne nous apportait que de la paix et de la force. C’était déjà le Chant du Chanteur Divin qui commençait à devenir audible pour nous, quoiqu’encore bien faiblement. Mais nous l’avions entendu ! Nous devions garder le souvenir !

Dans la vie reprise, après ces courtes haltes où nous avions respiré l’air pur des hauteurs, nous sommes revenus aux sensations habituelles de la partie inférieure de notre être, tout en gardant le souvenir de la vision entrevue, quoique nous ne comprenions pas encore très bien la nature des biens spirituels acquis par nos efforts vers une vie droite et noble. Il faut un certain temps pour s’habituer à ce déplacement de conscience qui consiste à nous élever continuellement sur un plan plus haut de vibrations. Nous ne pouvons d’un seul coup abandonner toutes nos activités grossières pour vivre la vie des Anges !

Cependant le souvenir d’une Présence en nous est là constamment à notre mémoire. Nous ne pouvons plus vivre comme auparavant et nous livrer sans honte aux appels de la chair. Un autre Appel a été entendu et… nous voulons le réentendre ! Maintenant que ce désir s’affirme de plus en plus en nous, et sachant que le seul moyen pour entendre à nouveau le Chanteur Divin c’est de briser davantage les « liens du cœur » formés par nos passions et désirs, nous préférons nous retirer, par des efforts énergiques, de la voie des sens, pour entrer dans la Voie de l’Esprit et entendre les « Murmures de Bouddhi ».

Quand ce désir intense de vivre selon la Loi de l’Esprit a été constant pendant des années, il ouvre enfin une porte dans les demeures mystérieuses de notre être ; alors commence pour nous la grande Féerie de l’Ame !

C’est comme une vision de Printemps, tout chante une allégresse sans fin, tout respire une Paix profonde, un ravissement sans égal ; le parfum de l’Ame semble plus doux et plus pénétrant que celui des roses ; notre corps paraît plus léger, comme soutenu par des forces insoupçonnées ; l’ami devient une partie de nous-mêmes, l’ennemi est notre frère ; et tout le long des jours (aussi longtemps que dure cet état) nous entendons, sans nous lasser, la mélodie divine qui s’est élevée dans notre Cœur : le Chant sublime de la flûte de SHRI KRISHNA, le Chanteur Divin ! C’est bien « comme la douce voix du rossignol chantant à sa compagne un chant de départ », le départ vers les hauteurs glorieuses de la vraie Sagesse, vers les régions bénies de l’Espoir et de la Confiance, et où se tiennent les radieuses Figures de Ceux qui se sont conquis Eux-mêmes, Ceux qui sont venus « de la grande Tribulation », et qui nous attendent peut-être…

C’est notre Âme qui entre dans les Réalités de l’Esprit. C’est le commencement de notre Régénération Spirituelle ! Heureux, heureux serons-nous en nous maintenant dans cet état ! Heureux, heureux serons-nous en gardant toujours en notre mémoire la Résonnance de la flûte divine de Krishna !  [Retour Sommaire]

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6.        Le sermon du feu

« L’adepte du yoga est fondé, en vérité, à estimer qu’il n’agit pas. Qu’il voie, qu’il entende, qu’il touche, qu’il sente, qu’il mange… : tout cela, se sont pour lui les sens réagissant au contact des objets sensibles. » - La Bhagavad-Gîtâ, V. 8-9.

LMI V11 8Ces versets de la Gîta contiennent une profonde leçon que nous devrions souvent méditer. Dans les luttes quotidiennes de la vie, dans le tourbillon incessant des forces qui s’agitent en nous et autour de nous et dans lesquelles nous nous mouvons, nous oublions que nous prenons contact avec ces forces bonnes ou mauvaises par l’intermédiaire de nos sens.

La Science du Renoncement nous apprend à distinguer les relations qui existent entre nos sens et l’Ame : nous ne sommes pas nos sens, ils ne sont que des instruments de l’Ame. Voilà la grande leçon donnée par notre Seigneur Krishna. Et il ajoute que celui qui immerge en Brahman tous ses sens est délivré de tout péché.

En général, nous jouons avec les sens. Nous les considérons comme des jouets. Nous devrions essayer de comprendre le « jeu » des sens en nous : la grande lila. « Les actes de la Divinité sont une Lila » ([xxv]) (jeu), disent nos écritures brahmaniques. Quand notre œil contemple un objet, quand notre ouïe entend un son, ou lorsque nous sentons un parfum, etc…, nos sens réagissent d’après les objets perçus, mais la réaction provient également de deux mouvements : a) d’un mouvement involontaire : une pensée rapide indépendante de notre vouloir, un spectacle inopiné, l’audition d’un chant qui s’élève près de nous, le parfum de l’herbe coupée, etc… ; b) d’un mouvement volontaire déterminé par le feu de nos désirs, par nos pensées ou actes choisis délibérément par nous : vision d’un tableau, le goût d’une nourriture, la sensation tactile d’un objet, etc…

Ces mouvements se produisent constamment en nous et nos sens sont en activité dans le sommeil comme dans l’état de veille. Nous rêvons d’un parfum qui met en émoi nos sens : rappel du souvenir d’un état de veille volontaire ou involontaire. Et l’état de sommeil dans lequel nous sentons, goûtons, voyons, entendons, prouve qu’en dehors du corps endormi, il y a quelqu’un qui éprouve des sensations (il est prouvé que nos perceptions sont plus aiguës pendant le sommeil du corps que dans l’état de veille). De plus, les sens, par eux-mêmes, sont incapables d’éprouver des sensations. Celui qui éprouve, celui qui sent, goûte, voit, entend est le SOI : Manas. C’est par lui que les objets des sens sont perçus et sentis.

Dans les Écritures Saintes de l’Inde, nous apprenons qu’il y a en nous sept Prêtres sacrificateurs, (les Hotris) : l’odorat, la vue, le toucher, le goût, l’ouïe, le mental, la compréhension. Dans la Doctrine Secrète, H.P. Blavatsky commente un passage d’une Ecriture et dit :

« Ce sont les sept prêtres sacrificateurs qui se tiennent séparément, [et qui,] habitant dans un tout petit espace, ne s’aperçoivent (pourtant) pas l’un l’autre, [sur ce plan des sens, à l’exception du mental.] [Car le mental dit :] Le nez ne sent pas sans moi, l’œil ne comprend pas la couleur sans moi, etc. je suis le chef éternel de tous les éléments [c'est-à-dire des sens]. Sans moi, les sens ne se manifestent jamais ; ils sont comme une demeure vide, ou comme un feu dont les flammes sont éteintes » ([xxvi]).

Cet extrait de l’Ecriture Hindoue exprime nettement que le Soi en nous, Manas, est le Chef, l’Animateur des sens. Au-dessus de lui est l’HOMME IMPERSONNEL, Brahman (Atman) qui n’est jamais affecté par les « Sept Prêtres Sacrificateurs ». « Les œuvres ne m’enchaînent pas », dit Shri Krishna, « je suis placé comme en dehors d’elles et je ne suis pas dans leur dépendance ». (Bhavavad-Gîtâ, IX, 9).

Si nous examinons maintenant notre vie intérieure, nous voyons que le feu de nos désirs nous élève vers les sommets de la Joie et du Sacrifice, ou nous plonge en enfer. La souffrance survient parce que nous n’avons pas appris à nous servir des organes de nos sens. Ils sont des jouets, comme nous le disions plus haut, et en cela, ils sont des créateurs d’illusions. Nous jouons avec notre goût quand nous péchons par gourmandise. Nous jouons avec nos organes sexuels quand l’acte sexuel n’est pas dirigé vers son seul but : la procréation. Nous jouons avec notre ouïe quand nous nous délectons à entendre des mensonges, etc… Comme le dit la sagesse populaire : nous jouons avec le feu.

Nos désirs sont des feux brûlants. Le FEU, comme le DÉSIR (Kamadeva), est à la base de l’Univers. « L’Éternel est un feu qui consume », disait Moïse à son peuple. Avant lui, le Seigneur Bouddha, la Lumière de l’Orient, prononça à Gaya un Sermon inoubliable, devant Ses disciples assemblés. Il faut le lire, ou l’entendre lire par un être qu’on respecte et qu’on aime, et il semble alors qu’une Flamme brûlante envahit notre être entier. Ecoutons le Sermon du Feu :

« Là, à Gaya, le Bienheureux dit aux moines : toute chose, ô moines, est une flamme dévorante. Et comment, moines, toute chose est une flamme dévorante ?

L’œil, ô moines, est une flamme dévorante, les objets visibles sont une flamme dévorante, la vue de ces objets est une flamme dévorante ; tout sentiment né de ces relations, qu’il soit agréable, qu’il soit pénible, qu’il ne soit ni agréable ni pénible, est aussi une flamme dévorante. Et comment est produite cette flamme dévorante ? Je vous le déclare, ô moines, cette flamme dévorante est produite par le feu du désir, par le feu de la haine, par le feu de l’aveuglement, par la naissance, la vieillesse, la mort, les peines, les lamentations, la douleur, le chagrin et le désespoir.

L’oreille est une flamme dévorante, les sens sont une flamme dévorante…

La langue est une flamme dévorante, le goût est une flamme dévorante…

Le nez est une flamme dévorante, l’odorat est une flamme dévorante…

Le corps est une flamme dévorante, le toucher est une flamme dévorante…

L’esprit est une flamme dévorante, les pensées sont des flammes dévorantes…

En conséquence, moines, le disciple instruit dans la doctrine, qui suit la Noble Voie, se détourne de l’œil, se détourne des objets visibles, se détourne de la connaissance des objets visibles, se détourne des relations avec les objets visibles, se détourne de tout sentiment né de ces relations, qu’il soit agréable, qu’il soit pénible, qu’il ne soit ni agréable ni pénible… Et il se détourne de même de tous les sens.

Ainsi détourné, il s’affranchit du désir ; affranchi du désir, il est sauvé ; sauvé, il a conscience de sa délivrance, il comprend qu’il n’y aura plus pour lui de nouvelles naissances, qu’il est parvenu à la sainteté, qu’il a rempli son devoir et qu’il ne reviendra plus en ce monde » ([xxvii])

Le Sermon du Feu du Bienheureux est l’essence de la Science du Renoncement. Grande leçon, en vérité ! Par elle, nous allons apprendre à éviter les traîtres pièges des sens. Comment y parvenir ? Shri Krishna et le Bouddha nous l’indiquent.

L’œil est une flamme dévorante, la langue est une flamme dévorante… « Cette flamme est produite par le feu du désir ». Il faut donc nous détourner de l’œil, de la langue… Il faut immerger nos sens en Brahman. Le Suprême en nous. C’est la même exhortation que nous lisons dans la Voix du Silence (p. 31) : « Engloutis tes sens en un seul sens » : le Divin.

La Discipline qui nous permettra d’accomplir cette tâche est difficile, mais non impossible. Deux règles, parmi beaucoup d’autres, nous aideront :

La Purification de nos désirs. Le Dépouillement de la mémoire.

La Purification des désirs exige des années d’efforts soutenus. Sachant qu’en nous est le grand animateur des sens, Manas, le Soi, nous devons nous rappeler que jour et nuit nous agissons par l’intermédiaire des organes des sens, qu’à chaque instant de notre vie, l’ouïe, l’odorat, la vue, le goût, le toucher et la pensée, sont en pleine activité – par des mouvements volontaires ou involontaires. Et les sens « réagissent au contact des objets sensibles », nous souffrons ou nous nous réjouissons à travers eux, restant bien entendu que celui qui souffre ou se réjouit est le Soi – Manas.

Quand nous sommes imparfaitement purifiés, ces deux mouvements volontaires ou involontaires peuvent provoquer des désastres dans notre vie : ce sont les réactions de ces mouvements qui nous aveuglent et créent des illusions terribles sur notre Sentier. Cela est facile à comprendre par les exemples suivants : une image lascive est devant nous, nos yeux la fixent volontairement ou involontairement ; cette image provoquera ou non des répercussions dans notre être intérieur suivant notre degré de purification. Pour l’être encore sous l’emprise de ses désirs sensuels, l’image énergisera le pouvoir de la Passion : de là, la Douleur. Si l’homme est pur, vraiment purifié, ses yeux regarderont l’image sans subir aucun trouble. Il est dans la Paix. « Devant l’homme abstinent, les objets des sens se retirent » ([xxviii]) (Gîta). De même, un verre d’alcool, pour l’homme sobre, n’éveillera aucun désir, tandis que chez l’alcoolique invétéré la vue volontaire ou involontaire de ce verre générera les plus grands désordres – « La vue est une flamme dévorante ».

Le premier pas dans la maîtrise des sens est donc la Purification des désirs, aidée en cela par :

Le Dépouillement de la Mémoire. En quoi consiste ce dépouillement ? La Voix du Silence (p. 32) va nous répondre par une phrase lapidaire : « Tue en toi-même tout souvenance d’impressions passées, ne regarde pas en arrière, ou tu es perdu. »

Combien cette phrase est importante dans la vie du Chéla ! Si les organes des sens, quand ils sont mus par le feu des désirs, sont des flammes dévorantes, nous devons de toutes nos forces oublier les impressions passées provoquées par les « flammes » de nos désirs grossiers. L’homme « spirituel », c'est-à-dire celui qui est en marche sur le Sentier de la Spiritualité, doit veiller constamment à ne pas se rappeler ce qui a éveillé en lui des troubles graves dans le passé. Une image de cabaret, pour un être qui s’est livré jadis au vice de l’alcool, des gestes impudiques pour celui qui a été un débauché, sont des images redoutables quand elles sont conservées dans notre mémoire, car ce sont elles qui seront, à nouveau, des « flammes dévorantes » sous l’aiguillon du désir. Elles doivent être rejetées impitoyablement. Ces « impressions passées », ces images sont les grands obstacles sur le chemin du Chéla. Nous comprenons, maintenant, l’injonction si forte : « Ne regarde pas en arrière ou tu es perdu. » ([xxix]) Combien de vrais chercheurs, honnêtes et sérieux, ont cependant regardé en arrière et ont été retenus dans les pièges de la sensualité, du doute, ou de l’orgueil et de l’ambition !... Ils n’ont pas eu la sagesse de chasser les ombres du passé, d’opérer ce dépouillement constant de leur mémoire – et ils ont été « dévorés »par les « Flammes dévorantes » !

Regarder en arrière : c’est prolonger le passé. C’est revoir les tristes fantômes de notre personnalité inférieure avec son cortège de déficience, d’erreurs, d’imperfections, de souillures. Jugeons-nous, tels que nous sommes, sans flatterie, mais ne nous laissons pas envahir par les spectres du passé qui souillent notre vie intérieure. Détournons-nous d’eux, oublions-les à jamais, pour ne garder dans notre mémoire que le souvenir de ce qui nous élève, nous ennoblit et nous rend meilleurs.

Nous devons atteindre « cette fixité d’esprit dans laquelle aucune brise, si forte soit, ne peut introduire nulle pensée terrestre. Ainsi purifié, le sanctuaire doit être vide de toute action, son ou lumière terrestre. » (La Voix du Silence) ([xxx]). Le Sanctuaire de l’Ame doit être vide de tout ce qui n’est pas Divin ! Il faut que les flammes dévorantes de la Passion disparaissent pour que seule la Flamme de Dieu brille dans notre cœur. Voilà notre tâche, la Discipline que nous devons pratiquer pour arriver à la régénération de notre être. « Les enfants de Dieu », disait Saint Paul, « sont mus par l’Esprit de Dieu ». (Épitre aux Romains, VIII. 14). « Ishwara, Ô Arjuna, réside dans le cœur de tous les êtres, les mettant en mouvement par sa puissance, comme s’ils étaient des ressorts en sa main » ([xxxi]), déclare Krishna dans son dernier discours de la Gîta. ISHWARA, DIEU, BRAHMAN, ATMAN, KRISHNA, SHIVA, CHRIST : C’est le Dieu Intérieur aux mille noms, c’est la flamme Unique qui brûle sur l’Autel du Cœur.

Engloutissons les flammes éphémères de l’homme personnel et passager dans la Flamme vivante et éternelle de l’HOMME IMMORTEL, qui n’est jamais né et pour lequel la mort n’existe pas. C’est ainsi que nous passerons, peu à peu, de Maya à Sat : de l’illusion à l’Unique Réalité.

Le SERMON DU FEU ne doit jamais être oublié !    [Retour Sommaire]     

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7.        Les ombres de la nuit

« De même que le rayon attardé sur le sommet d’une haute montagne, dès qu’il s’efface, est suivi par la nuit noire ; ainsi, quand la lumière du cœur s’éteindra, une ombre profonde et menaçante tombera de ton propre cœur sur le sentier, et la terreur rivera tes pieds sur place.

« Prends garde, Disciple, à cette ombre léthargique ! » - La Voix du Silence, p. 74.

LMI V11 9Ces lignes, de La Voix du Silence, font allusion au grand drame qui se joue, qui doit se jouer, dans la Cellule du Cœur du Chéla (Disciple) à certaines périodes de sa Vie Intérieure. Méditons cet Enseignement profond. Essayons d’en extraire toute la leçon merveilleuse qu’il contient.

Quand nous avons cheminé, pendant un certain temps, sur les routes solitaires de la Pensée Pure, nous nous rappelons avec quelle sainte joie nous nous sommes élancés vers le Pays Inconnu de l’Ame ! Repoussant les dogmes trompeurs des églises, comme de vrais chercheurs, nous avons préféré aller à la recherche du Dieu Intérieur – Shiva, Christ, Krishna – avec l’aide de la Lumière des Vérités immortelles de la Théosophie des Ages.

Dès nos premiers pas dans la direction du Sanctuaire, le Sanctuaire Sacré du Cœur, il semblait que nous entrions dans un délicieux Bosquet fleuri, sentant bon les fleurs virginales du Printemps. C’était pour nous « comme une clairière ensoleillée dans les sombres profondeurs de la forêt. Là, les rossignols d’espoir, les oiseaux au radieux plumage, chantent dans les verts bosquets, chantent le succès pour les pèlerins sans crainte » ([xxxii]). Oui ! Nous étions bien comme des « pèlerins sans crainte », nous avions entendu l’Appel Divin de l’Ame, l’Appel semblable à « la douce voix du rossignol » ! Ravis, étonnés, nous avancions dans les verts Bosquets, buvant dans nos mains, arrondies comme des conques, l’eau immaculée du Savoir. Dans notre ardeur à apprendre, à recevoir les leçons de l’immortelle Sagesse, nos jours s’écoulaient, rapides comme des flèches. Les nuits étaient calmes, bienheureuses, alors que dans l’Ame, le Chant du Rossignol Divin s’égrenait comme un long Rosaire d’Amour…

Puis, à mesure que les années s’enfuient, le Chant de l’Ame est devenu, peu à peu, moins distinct ; il semble, à présent, très loin, et l’enthousiasme du début est maintenant comme un feu qui meurt ; quelques flammes de plus en plus rares jetant une lueur pâle ! Nos livres – qui étaient, pour nous, des compagnons aimés et avec lesquels nous étions heureux de converser – sont devenus des étrangers distants et froids. La source de nos aspirations, de nos élans spirituels semble tarie. « A quoi bon ! », disons-nous, lassés. Nous gardons le souvenir des joies passées, du saint travail, mais nous le voyons comme une image lointaine, très lointaines : il nous semble que nous étions comme l’enfant pur, heureux de vivre, de s’ébattre dans un Jardin frais et matinal, ou bien que nous fussions comme l’enfant qui rêve, avec ses yeux immenses ouverts sur l’éternité et dans lesquels se reflètent les mondes infinis ! Maintenant, nous avons l’impression d’être très vieux, d’avoir perdu notre fraîcheur, nos rire jeune, confiant. La « gaie science » est devenue la science morose. C’est le Crépuscule de l’Ame qui commence.

Cette étape dans la Vie Intérieure est un grand danger pour tous les étudiants de la Science Sacré. Elle est, comme nous l’avons vu, admirablement indiquée dans la Voix du Silence et le Livre des préceptes d’or continue à nous l’exposer en disant : … « La route est montante et tortueuse ; oui, jusqu’au sommet rocailleux, de grises brumes se suspendront à ses hauteurs rudes et pierreuses, et tout sera sombre au-delà. A mesure que le pèlerin avance, le chant d’espoir sonne plus faible dans son cœur. Le frisson du doute est maintenant sur lui ; son pas devient moins assuré. Prends garde à cela, ô candidat ! Prends garde à la crainte qui s’étend, comme les ailes noires et silencieuses de la chauve-souris de minuit, entre le clair de lune de ton âme et le grand but qui s’estompe dans la distance lointaine. » ([xxxiii])

Qu’elle est douloureuse cette heure où l’étudiant sent en lui les approches de la Nuit, où, « le chant d’espoir retentit plus faiblement dans son cœur » ! Il aurait été si simple de marcher toujours sur le Sentier de la Sagesse, en chantant les gloires de l’Aurore radieuse de notre Ame ! Pourquoi cette ombre menaçante qui, déjà, est presque la Nuit ?

C’est l’expérience amère que doivent traverser ceux qui ont fait le vœu d’aller sur les « routes de Lumière ». Dans notre étude de la Science du Renoncement, le « Sermon du Feu » nous a appris que l’Esprit – SHIVA en nous – est la Flamme Unique qui brûle sur l’Autel du Cœur. Plus nous avons eu des aspirations élevées, plus la Lumière du Cœur a éclairé les moindres replis de notre nature inférieure ; et dans le Sanctuaire que nous croyions vide de toute pensée terrestre et animale, voilà que, peu à peu, nous voyons se profiler sur les murs blancs de l’Ame, les larves fantomatiques de désirs oubliés ou négligés. Sous le Feu ardent de l’Esprit – Shiva – ces désirs se sont réveillés et sont devenus de redoutables Gardiens du Seuil. Ils nous masquent la Flamme de l’Autel, la Lumière Pure de l’Ame, et dans l’obscurité grandissante, nous ne pouvons plus avancer.

Dans notre ascension vers les cimes spirituelles, c’est la réalité brutale de nos limitations. Et nous nous sentons impuissants à gravir les pentes escarpées de la Montagne Sainte. Nous croyions être un Saint homme et nous découvrons le Pécheur ! Nous nous croyions libres et nous découvrons que nous sommes enchaînés par les fers de nos passions. Le Dieu Intérieur – Shiva – est voilé. C’est bien le Crépuscule, le Crépuscule qui va se fondre dans la Nuit.

C’est l’heure grave ! Très grave pour tous les Néophytes. Ecoutons l’avertissement de notre grand Instructeur H.P. Blavatsky :

« Des milliers d’êtres traversent cette vie très respectablement, parce qu’ils n’ont jamais été mis à l’épreuve… Celui qui entreprend la probation de disciple éveille, par cette décision même, et exaspère à l’extrême, toutes les passions dormantes de sa nature animale. Car, c’est le signal d’un combat pour la victoire où aucune indulgence n’est permise, où, une fois pour toutes, il faut choisir entre « Etre ou ne pas être » ; la victoire conduit à l’ADEPTAT, l’échec à un martyre ignoble… Dans la bataille morale, si le Chéla a un seul vice caché – qu’il fasse ce qu’il voudra – ce vice se manifestera… Il se trouve maintenant dans une atmosphère d’illusions – Maya … » ([xxxiv])

Telle est l’épreuve qui doit être subie. Cet avertissement nous montre l’effort à accomplir : franchir à tout prix le cercle d’illusions créé par notre nature inférieure. Si nous sommes lâches et faibles : c’est l’échec, la chute dans cette vie.

Grands, sont donc les périls que nous avons à affronter dans la conquête de notre nature animale ! Le Crépuscule de l’Ame est comme un engourdissement de notre vouloir, comme nous l’avons décrit plus haut. Si nous ne réagissons pas dès le début : c’est alors la Nuit, la Nuit qui monte lentement et qui va obscurcir les derniers pics encore éclairés par le soleil couchant. Et dans le cœur du Chéla, le découragement descend. Il se sent seul. Il se rappelle ces mots : « Le Chéla est un malheureux qui est entré sur « un sentier non-manifesté », et Krishna dit que c’est là le « sentier le plus difficile » ([xxxv]). Comme cette solitude est douloureuse ! C’est un sentiment d’isolement terrible, où même la voix des êtres chers ne semble plus être qu’un écho très affaibli, perdu, pour ainsi dire, dans les gorges profondes de la montagne. Le Chéla va à tâtons, sans espérance, trébuchant à chaque pierre qu’il rencontre. Il lui semble que le Chanteur Divin – Shiva, Krishna – s’est tu à jamais. Les nuits sont troubles. Les réveils douloureux. La « Rosée du Ciel » s’est transformée en « Rosée de Maya ». C’est vraiment la « fournaise de la Probation »

Pour l’étudiant plongé dans cet état, il n’y a qu’un seul espoir pour lui : la connaissance. Comprendre, c’est déjà ne plus subir aveuglement l’épreuve de cette Nuit de l’Ame. Rappelons-nous que la Lumière et les Ténèbres sont les deux voies éternelles du monde, et rappelons-nous aussi qu’ « avant que l’âme puisse se tenir debout en la présence des Maîtres, ses pieds doivent être lavés dans le sang du cœur » ([xxxvi]). C’est le Renoncement de l’Ame à l’illusion des sens, à leur flamme dévorante. Dès que nous avons résolu d’entreprendre la grande purification de notre être, nous avons accepté que le FEU de l’Esprit consume toutes les scories de nos péchés. SHIVA, en nous, est le Grand Patron de tous les ascètes, IL est le Régénérateur. Puissions-nous le révérer ! Mais, IL est aussi le Destructeur ! Méditons souvent ces profondes pensées de H.P. Blavatsky :

« Pour vivre comme plante, il faut que la semence meure. Pour vivre en qualité d’entité consciente dans l’Éternité, il faut que les passions et les sens de l’homme meurent avant son corps… Shiva, le destructeur, est le créateur et le Sauveur de l’homme Spirituel, de même qu’il est le bon jardinier de la nature. Il arrache les plantes, humaines et cosmiques, et tue les passions de l’homme physique afin de faire vivre les perceptions de l’homme spirituel. » ([xxxvii])

Aussi, quand les illusions s’éveillent en nous, quand, sous l’action puissante de Shiva, les Gardiens su Seuil se lèvent pour nous barrer le passage du Sanctuaire, acceptons courageusement l’épreuve. N’est-ce pas nous, en définitive, qui avons fait un Appel au Dieu Intérieur ? Et Shiva – notre Saint Patron – a répondu. Sa lumière est devenue plus vive, et grâce à elle nous percevons maintenant dans notre nature, la racine du mal. Il faut l’arracher. Il faut extirper toute faiblesse, tout vice. Nous devons être forts. Et si, dans la Nuit de l’Ame, nous arrachons courageusement cette « chose » de notre cœur, le cœur saignera, certes, nous allons avoir du mal, nous allons être bien douloureux ! Bénissons l’épreuve et la souffrance, c’est la GRANDE TRIBULATION qui commence et qui, si nous sommes vainqueurs, va nous conduire aux Pieds du Seigneur, du GOUROU choisi dans la Cellule du Cœur.

La Nuit est le Signal du Jour ! Ne craignons pas les Ombres de la Nuit. « Le sentier où tu marches est éclairé par un feu, par la lumière de l’audace qui brûle dans le cœur. Plus on ose, plus on obtiendra » ([xxxviii]). Ecartons les créatures d’illusions en nous. Ne nous laissons pas abattre par ce sentiment de solitude qui n’est qu’une illusion. Nous ne sommes jamais seuls sur le Sentiers. Et si le doute devait survenir, malgré tout, disons avec W.Q. Judge :

« Je ne voudrais jamais permettre à la moindre crainte ou au plus léger doute de m’envahir ; et si je ne distinguais plus la route ni le but dans le brouillard, je me contenterais de m’asseoir au bord du chemin et d’attendre. Je ne laisserais pas le brouillard me donner l’illusion qu’il n’existe pas de route, ou que je ne puis la traverser. Les brumes doivent se lever. » ([xxxix])

Ô vous qui souffrez, murmurez ces paroles de ce grand Compagnon plein d’amour et de sagesse, et les Ombres de la Nuit se dissiperont pour faire place à l’Aube radieuse qui se lève toujours sur les cœurs généreux et loyaux qui donnent tout, sans réserve, et qui, en enfer comme au ciel, accomplissent leur DEVOIR, sans attendre de récompense, dans la seule Joie de SERVIR.

Et quand nous sortons de cette Nuit (intolérable lorsque nous ne la comprenions pas, mais acceptée quand nous l’avons comprise) nous retrouvons avec étonnement et ravissement le Bosquet merveilleux, entrevu, tout à coup, sur la grande Féerie du Printemps ! Nous sentons, avec plus d’acuité que jamais, les Parfums Divins de l’Ame Pure. Nous participons à l’Allégresse éternelle de SHIVA dansant sur les corps de Ses ennemis abattus : les passions mortes. Et nous murmurons :

Ô, MAHA YOGUI, Ô SHIVA ! TU ES TOUJOURS LÀ, PRÈS DE NOUS : DANS LA NUIT COMME DANS LE JOUR. PUISSES-TU, Ô GRAND ASCÈTE, Ô SHIVA, NOUS CONDUIRE VERS LES CIMES IMMACULÉES, VERS TON ERMITAGE ÉTERNEL !...  [Retour Sommaire]       

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8.        La pureté intérieure

                « Je suis la continence dans les ascètes… » La Bhagavad Gîtâ, VII. 9.

LMI V11 10La Sagesse accumulée des siècles, ou la Théosophie immortelle, constante, unique, est non seulement la Religion de la Connaissance, mais aussi la Religion de la Pureté. Aussi loin que nous puissions remonter dans l’histoire de l’humanité, nous voyons que la Pureté Intérieure est la base de toute Vie Spirituelle.

« Heureux ceux qui ont le cœur pur », disait Jésus, « car ils verront Dieu. »

Dans la religion de Zoroastre, nous trouvons ces mots : « La pureté est le plus grand des biens, le bonheur, le bonheur est à lui, au plus pur d’entre les purs. »

Gotama le Bouddha enseignait à Ses disciples : « La puissance de la luxure est grande sur les hommes et doit être redoutée en tout temps ; prenez alors l’arc de la persévérance fervente et la flèche aigüe de la sagesse. Evitez toute impureté et menez une vie de chasteté. »

Dans la Gîta, Shri Krishna nous exhorte constamment à vivre la grande Pureté Intérieure :

« Celui qui livre son âme aux égarements des sens, voit bientôt son intelligence emportée, comme un navire par le vent sur les eaux. » (II. 67.)

« Quand il a vaincu…le vice de la concupiscence, l’homme marche sans s’égarer vers la demeure éternelle. » (XV.5.)

Et quand nous ouvrons le livre des « Préceptes d’Or », la Voix du Silence, dès les premières pages nous lisons :

« Lutte avec tes pensées impures avant qu’elles ne te subjuguent… Si tu les ménages, qu’elles prennent racine et poussent, sache-le bien, ces pensées te terrasseront et te tueront. Prends garde, disciple, ne souffre même pas que leur ombre t’approche ; car, croissant en grandeur et en force, cette chose de ténèbres absorbera ton être avant que tu aies bien pu te rendre compte de la sombre présence du monstre impur. » ([xl])

Et au Chéla en partance pour le Grand Voyage qui le conduira vers l’ « autre rive » (le Nirvana), c’est encore, dans ce livre, cette suprême recommandation :

« Ô lanou, aie le cœur pur avant d’entreprendre ton voyage… Ne crois pas qu’on puisse à jamais détruire la luxure en la satisfaisant à satiété : c’est là une abomination inspirée par Mara… » ([xli])

La Pureté Intérieure est l’Hymne divin et sacré chanté par tous les Grands Sages, les MAHATAMAS, car Ils sont devenus l’Incarnation de la Pureté. En EUX l’« Âme-Diamant » resplendit d’un éclat incomparable. Le Feu de la Pureté est rare, nous devons faire tous nos efforts pour l’allumer en nous.

La vraie Théosophie, ne nous lassera jamais de le répéter, est la RELIGION DE LA PURETÉ. Aux jeunes gens, aux hommes et aux femmes, la Théosophie dit à tous : VIVEZ LA VIE PURE.

Il y a une trentaine d’années, le grand penseur, Léon Tolstoï, voyant grandir dans le monde le danger sexuel, écrivit ces mots qui sont d’une actualité saisissante :

« Aucun crime commis par un homme contre la loi morale n’est caché des autres hommes avec autant de soin que les crimes excités par la lubricité, et il n’y a pas de crime contre la loi morale qui soit si commun à tous les hommes, qu’il vient tenter sous les aspects les plus divers et les plus terribles » ([xlii]).

Et à tous, le grand apôtre donne les conseils suivants :

« Que doit faire le jeune homme ou la jeune fille, purs l’un et l’autre ? Se garder des séductions et pour cela se donner de toutes ses forces au service de Dieu et des hommes, aspirer vers une chasteté toujours croissante des pensées et des désirs… L’homme, qu’il soit marié ou célibataire, doit toujours et dans toutes les circonstances être le plus chaste possible » ([xliii]).

Sages pensées que nous devrions mettre en pratique ! Et à ceux qui énoncent des théories dégradantes et immorales qui abaissent l’homme plus bas que la bête, donnons, répétons l’enseignement direct, droit, sans détours, de la Théosophie immortelle :

« Notre civilisation est Sexuellement Folle. La Théosophie enseigne que la seule vraie fonction du sexe est la procréation. Tout autre but est faux. Ce sont de fausses notions de physiologie et de psychologie qui sont responsables, dans une large mesure, de la recrudescence anormale des manifestations passionnelles. Le sexe n’existe pas pour la jouissance de l’homme, mais pour les besoins de procréation : c’est là sa seule vraie fonction, et tout autre usage du sexe est coupable. Dans notre civilisation, le sexe sert à des fins dégradantes, et de toutes les forces qui rendent l’homme esclave de son corps, c’est la force sexuelle qui est la plus active et la plus puissance. Nul n’échappera à l’esclavage de son corps s’il ne pratique pas un contrôle sévère sur lui-même. La Théosophie s’oppose au contrôle des naissances, et préconise le contrôle de soi-même ; elle condamne toute entrave apportée à la natalité, mais conseille l’entrave aux impulsions sexuelles lorsqu’elles sont privées de la direction de l’Ame et des injonctions du mental » ([xliv]).

Que l’étudiant réfléchisse profondément sur ces lignes et il découvrira par lui-même la pratique de la Pureté, car, seule, la Chasteté nous permettra d’entendre les « murmures de Bouddhi », le Chanteur Divin ! Mais ne nous trompons pas ! Il existe parfois dans le monde, des êtres qui se disent « chastes » et leur chasteté n’est, bien souvent, qu’un ascétisme physique, brutal, obtenue par des contraintes violentes. À l’extérieur, nous avons l’apparence d’un saint ; à l’intérieur, c’est un ciel de tempête où les pensées et les désirs grossiers poursuivent une course échevelée ! ([xlv]) Ce n’est pas la vraie Pureté Intérieure.

Le mot Pureté ne signifie pas seulement la Chasteté du Corps, mais également la Chasteté de l’Ame qui est la splendeur du Dieu Intérieur dans la cellule du Cœur. Cette Cellule – fleurie par les fleurs embaumées de l’Esprit et où règnent le recueillement profond et la paix radieuse de l’Ame divine – est la « forteresse » d’où nous devons chasser tous nos ennemis : luxure, orgueil, ambition, haine, colère avarice, « jusqu'à l’ombre du désir ». Voilà la réelle Chasteté de l’Ame – dont la Chasteté du Corps n’est qu’un reflet – qui doit être mise au service des hommes. Elle est un Feu qui éclaire, réchauffe et réconforte. Elle est le Pouvoir enflammé dans la Cellule du Cœur. C’est pourquoi Krishna, le Seigneur Mystérieux, nous dit : « Je suis la continence dans les ascètes »… et nous montre la vraie notion du sacrifice en nous demandant d’offrir au Dieu Intérieur – « dans le feu mystique de la continence » - « toutes les fonctions des sens ». Et H.P. Blavatsky, notre grand Instructeur, nous dit que « les Occultistes Orientaux considèrent comme un cas très heureux, celui où le Gourou (l’Instructeur) rencontre chez son élève une aptitude à vivre la vie pure du Brahmacharya » ([xlvi]).

Ainsi, le Candidat à la Science Sacrée, qu’il choisisse la vie du Brahmâchari, de celui qui est « restée chaste depuis son enfance », ou qu’il préfère la Vie Pure dans le Mariage – en se rappelant que « le sexe n’existe pas pour la jouissance de l’homme, mais pour les besoins de la procréation ». – ce Candidat voit que la Chasteté de l’Ame et du Corps est la condition sine qua non dans la vie du Chéla – qui est le Sentier du Disciple. Car, dit encore H.P. Blavatsky : « Celui qui ne se maintient pas en état de pureté (celui qui n’est pas chaste) ne recevra aucune aide de l’ « Œil-Deva » ([xlvii]). L’ « Œil-Déva » est encore appelé, dans les Ecritures de l’Inde, l’ « Œil de Shiva », Shiva, le Saint Patron des Ascètes, dont le regard « embrasse l’éternité » et qui réside également dans notre Ame Divine, comme Krishna, le Seigneur Mystérieux ; les lois universelles sont à l’œuvre en nous, comme elles le sont dans le Kosmos entier.

C’est par cet état de Pureté Intérieure que nous éviterons les dangers des « Ombres de la Nuit ». Plus notre vie est pure, plus notre pouvoir de vision intérieure – la faculté de l’intuition spirituelle, Shiva, Krishna en nous – s’agrandira. Et nous devenons capables de percevoir la Voix du Dieu Intérieur – la « flûte de Shri Krishna »… Et quand cette flûte divine chante dans le silence de l’Ame, et que nous entendons son chant merveilleux, nous devenons sensibles aux moindres souffles de la Beauté, de la Souffrance, de l’Amour et de la Connaissance, car la chasteté de l’Ame et du Corps aiguise nos perceptions : nous sentons le vrai parfum des roses et du santal, nous écoutons avec ravissement le cri de l’alouette ivre de Soleil, le vent qui passe, le frémissement du Printemps, le bruissement des abeilles dans les chauds midis de l’Eté, la sérénité des cimes aux neiges éternelles…Et surtout, la « flûte » mélodieuse nous permet d’ « accorder notre cœur avec le cœur de tous les hommes », « de vibrer en réponse à tout soupir, à toute pensée de ce qui vit et respire », « de laisser notre âme prêter l’oreille à tout cri de douleur, comme le lotus met son cœur à nu pour boire le soleil matinal » ([xlviii]), de nous pencher sur la misère humaine, de la soulager avec une tendresse infinie, qui n’est pas de la sentimentalité, mais qui est la réelle Compassion, la « Loi des Lois ».

Enfin, du Feu de la Pureté s’élève la grande Flamme de la Connaissance qui éclairera notre Route, non seulement la Connaissance acquise par l’étude des Vérités immortelles, mais celle obtenue par la faculté de l’intuition spirituelle éveillée par la Chasteté du Corps et de l’Ame. Dans cette Pureté Intérieure, même un mot indirect de l’Instructeur choisi, de notre Gourou, devient une Vérité, et quand, hélas ! Sous l’emprise de la Passion, nous négligeons ce mot ou que nous ne l’entendons pas, nous passons à côté de la Connaissance. Combien nous devrions sentir la valeur de ces mots : passer à côté de la Connaissance !... En Occultisme, cela signifie que nous avons été sourds à l’Appel du Gourou extérieur – l’Instructeur – et à l’Appel du Gourou Intérieur – Shiva, Krishna, l’Ame Divine. Tous deux, les Saints Gourous – le Gourou extérieur et le Gourou intérieur – parlent la même langue sacrée. Et dans le tumulte de nos passions, de notre orgueil, de notre luxure, nous n’avons pas su saisir l’indication donnée… et une porte s’est fermée pour nous ! Avec le temps, si nous voulons passer, aller de l’avant, il nous faudra retrouver la porte, et les difficultés seront en proportion de notre plus ou moins grand état de Pureté Intérieure !...

Si nous voulons éviter ces « chutes », revêtons la Robe de la Pureté. Elle sera notre sauvegarde dans les grandes batailles du jour et de la nuit, elle sera notre talisman royal.

Vivons toujours dans la Chasteté de l’Ame et du Corps, dans la splendeur de l’Homme Intérieur, et nous serons reliés à jamais à CEUX qui nous précèdent sur le Sentier, à cette puissance chaîne d’influence, la chaîne Guruparampara, qui relie les Chélas aux Saints Gourous : nos INSTRUCTEURS.  [Retour Sommaire]

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9.        Les trois feux du respect

« Le respect aux dieux, aux brahmanes, au précepteur, aux hommes instruits…voilà ce qu’on appelle l’austérité du corps. »  La Bhagavad-Gîtâ, XVII. 14.

LMI V11 12Emerson, « Le bon pasteur matinal des prés verts et pâles », le profond philosophe qui alla sur les routes de l’âme pour y découvrir la souveraineté de l’Esprit – voyant, un jour, dans son jardin, une superbe rose rouge, se découvrit avec respect en disant : « Je salue cette rose ».

En accomplissant ce geste, sans ostentation et avec une grande simplicité, Emerson pratiquait l’Art du Respect pour les choses comme pour les êtres. En Occident, ce geste peut paraître puéril, mais hélas ! L’Occident, avec sa civilisation brutale et barbare en beaucoup de points, ignore presque tout du respect, du véritable respect qui ennoblit le cœur et le prépare à la sublime vision de l’Esprit qui « se révèle », dit Emerson, « à l’âme simple et pure qui habite un corps chaste ».

Sans la pratique du Respect, il n’y a pas de Vie Spirituelle possible.

Dans la vie occidentale, le Respect est, la plupart du temps, brisé dès l’enfance par une fausse éducation. Dans la famille, au collège, on n’enseigne pas la profonde valeur du respect. De là, la légèreté incroyable avec laquelle l’enfant, en grandissant, traite souvent ses parents et spécialement ses professeurs. Dans les écoles, l’indiscipline organisée, le mépris et même la cruauté envers les professeurs sont des faits si souvent répétés que cela devient un « jeu » de faire souffrir celui qui a la mission redoutable d’enseigner. On allègue que le manque de respect est souvent dû au professeur qui ne sait pas se faire respecter. Cela est juste jusqu’à un certain point. Mais, n’oublions pas que le précepteur a été, lui aussi, un enfant et qu’il est également victime de cette fausse éducation. N’ayant pas appris le vrai respect, il ne connaît pas l’art de se faire respecter lui-même. C’est là un cercle vicieux dont on ne peut sortir que par une juste compréhension du respect.

Si nous passons du collège aux jeux des enfants, nous verrons que la déplorable éducation moderne n’a pas favorisé le respect que nous devons aux choses de la Nature. L’enfant, en général, fait souffrir les animaux domestiques, torture les insectes, arrache ou piétine les fleurs avec une joie sauvage, sans aucun respect pour l’animal familier ou le papillon qui passe, ou la tendre fleur brutalement arrachée et agonisante. Et par la faute des parents et d’une mauvaise éducation, l’enfant arrive à l’âge d’homme sans avoir appris le respect sacré qu’il devrait posséder pour toute chose, et pis encore, il garde en lui les mauvais levains du passé qui le pousseront, à un moment donné, vers de fausses activités qui deviendront des sources nouvelles de malheur et de désespoir. Et si un jour, s’élève en lui le désir de vivre une Vie supérieure, l’effort sera plus grand, car il trouvera sur sa route les obstacles amassés par lui, depuis son enfance. Ainsi naît notre lourde responsabilité dans l’enchaînement sans fin des causes et des effets.

En Orient, où la Théosophie des Ages a été mieux conservée des atteintes du Temps et des hommes, le respect véritable est toujours enseigné, et nous le trouvons à la base des grands préceptes de morale. Dans la Gîta, Krishna mentionne trois grandes austérités : l’austérité du corps, de la parole et du cœur. Dans la première réside le « respect dû aux Dieux, aux brahmanes, au précepteur ». Et Shri Krishna nous exhorte avec ferveur à pratiquer cette austérité, ainsi que les deux autres, car toutes trois procèdent de Sattva, la grande qualité de la Nature qui est Vérité, Lumière, Joie, Harmonie. Nous voyons donc que le respect va du précepteur aux Instructeurs Spirituels et doit même englober tous les êtres de la Nature entière.

Dans les Lois de Manou, l’idée du respect est encore très fortement exprimée sous le symbole des Trois Feux que nous devons allumer en nous :

  1. –     Que le jeune homme fasse constamment et en toute occasion ce qui peut plaire à ses parents, ainsi qu’à son précepteur ; lorsque ces trois personnes sont satisfaites, toutes les pratiques de dévotion sont heureusement accomplies et obtiennent une récompense.
  2. –     Ces trois personnes représentent les trois mondes, les trois autres ordres, les trois Livres Saints, les trois feux.
  3. –     Le père est le feu sacré perpétuellement entretenu par le maître de maison ; la mère, le feu des cérémonies ; le précepteur, le feu du sacrifice : cette triade de feux mérite la plus grande vénération.
  4. –     Celui qui ne les néglige pas, devenu maître, parviendra à l’empire des trois mondes, son corps brillera d’un pur éclat, et il jouira dans le ciel d’une félicité divine ([xlix]).

Telles sont les recommandations importantes de l’Inde antique sur l’observance du respect dans notre vie journalière : à l’égard du père, de la mère et du précepteur. Et la Théosophie immortelle et universelle nous fait comprendre qu’une telle observance est basée sur cette « chaîne d’influence » appelée Guruparampara qui s’étend des parents, du précepteur jusqu’au Gourou : l’Instructeur Spirituel.

W.Q. Judge nous explique clairement dans ses « Lettres » :

« Dans les temps les plus reculés, chez tous les peuples, sauf les Occidentaux modernes, l’élève témoignait au maître une grande révérence et on lui apprenait, dès son enfance, à regarder son précepteur comme venant en dignité, immédiatement après son père et sa mère. C’était parmi ces peuples, un grand péché, une chose qui portait un réel préjudice à l’être moral, que d’être irrespectueux envers son professeur, même en pensée. La raison en était basée alors, tout comme aujourd’hui, sur le fait qu’une longue chaîne d’influence s’étend du guide spirituel le plus élevé qu’un homme puisse posséder, en passant par de nombreuses hiérarchies de chefs spirituels, jusqu’au professeur de notre enfance. Ou… une chaîne d’influence s’étend de notre maître ou de nos précepteurs jusqu’au chef spirituel le plus élevé, dans le rayon ou dans la ligne de descente duquel nous puissions nous trouver… De sorte que l’enfant qui révère son maître et s’applique à son travail avec diligence et, en bénéficie en conséquence, qu’il le sache ou non » ([l]).

Ces lignes nous font comprendre l’importance du respect dans la Vie Spirituelle. Et la véritable Bhakti, la Dévotion ardente qui transforme l’homme en Sage, ne peut exister sans l’observance du Triple Respect envers le père, la mère et l’instructeur. Nous arrivons maintenant à cette conception du respect qui embrasse toutes choses : la Nature, les Hommes, l’Instructeur Spirituel.

- Premier respect : Respectons la Nature qui nous prête ses richesses merveilleuses. En toutes choses est la Vie. En toutes choses la Vie doit être respectée. Shri Krishna, dans la Gîta, sublimise ce respect en nous rappelant qu’Il est dans tout et que tout est en LUI.

          Écoutons ces versets qui chantent la gloire éternelle de la Vie :

« Je suis dans les eaux la saveur, fils de Kunti ;

Je suis la lumière dans la Lune et le Soleil ;

La louange de tous les Védas ; le son dans l’air ;

La force masculine dans les hommes ; » [Bhagavad-Gîtâ, VII, 8]

« Le parfum pur de la terre ; dans le feu la splendeur ;

La vie de tous les êtres ; la continence dans les ascètes ;…

Je suis le printemps fleuri… » [Bhagavad-Gîtâ, VII, 9]

Aussi, quand nous allons au sein de la Nature et que les pierres roulent sous nos pas ; quand nous cueillons des fleurs et les mettons dans l’eau pour leur éviter de la souffrance ; quand le vent souffle, ou que l’eau rafraîchit notre bouche altérée ; quand les oiseaux chantent et que le Soleil rayonne de tout son éclat ; quand nous touchons les objets familiers : la plume qui écrit, nos livres, la tenture qui voile la lune du soir ; quand nous prenons le bain quotidien, l’assiette que nous lavons et dans laquelle nous mangeons, le linge que nous portons… pensons, pensons aux mots divins de Krishna et chantons-les dans notre cœur :

« Je suis dans les eaux la saveur… La lumière dans la Lune… Le parfum pur de la Terre… » [Bhagavad-Gîtâ, VII, 8 et 9]

et la Vie autour de nous et ne nous se transformera par le Pouvoir Spirituel du Respect. En comprenant, en aimant, en donnant, les portes de la Nature s’ouvrent silencieusement devant nous, car Sagesse, Amour, Sacrifice, sont à la base de la Vie. Et Ananda, la Béatitude, descend dans notre cœur.

- Deuxième respect : Le respect envers les hommes implique le respect envers soi-même. Quand nous sommes plongés dans l’Enfer de la Passion, nous ne nous respectons pas, nous laissons l’Ombre nous envahir. Nous pouvons pleurer sur nos fautes, mais la chair, elle-même, devient triste après le péché ! Respectons le temple dans lequel habite le Seigneur. Soyons nobles dans nos désirs, pensées et actions, afin de devenir les vrais Chevaliers de l’Esprit. La Chevalerie de l’Esprit doit être acquise. Si nous sommes capables de reconnaître la grandeur là où elle se trouve, c’est que déjà la grandeur est née dans notre nature. Respectons les hommes, nos Frères. Leurs fautes leur appartiennent, ne les jugeons pas. En eux est le Seigneur. « Je suis l’Ame », dit Krishna, « qui réside dans tous les cœurs ». Dans notre père, dans notre mère, dans nos enfants, dans l’ami, l’ennemi, dans le précepteur, dans le serviteur : Krishna demeure. Ils sont des prêts de la Nature : aimons-les et respectons-les, car le Chant de la Vie chante en eux comme en nous.

Et ce respect est une préparation qui nous conduira vers un respect plus profond qui atteint le Mystère de l’Etre :

- Troisième respect : Le respect envers le GURU : l’Instructeur Spirituel que nous avons délibérément choisi. En lui brille d’un radieux éclat la Lumière de la Sagesse, et avec Lui nous formons un lien sacré que nous devons essayer de renforcer chaque jour de notre vie. Grand, vraiment, doit être ce respect pour le GURU et sacré est le lien qui nous unit à Lui, car :

  1. – Celui qui, par des paroles de vérité, fait pénétrer dans les oreilles la Sainte Ecriture, doit être regardé comme un père, comme une mère ; son disciple ne doit jamais lui causer d’affliction ([li]).

C’est pourquoi La Voix du Silence nous dit :

« Celui qui doit te donner naissance, cherche-le dans la salle de Sagesse, la salle qui s’étend au-delà, où toutes ombres sont inconnues et où la lumière de vérité resplendit d’une gloire ineffable. » ([lii])

La Salle de Sagesse est la grande Loge des Maîtres, des Instructeurs Spirituels, des Gourous aux grades divers, depuis le Chéla (Disciple) faisant office de Gourou et lui-même étant le Chéla d’un Gourou plus élevé. Tous ces Instructeurs suivent le noble Sentier des Paramitas, les Vertus transcendantes. « Le respect que nous eûmes jadis pour notre précepteur nous devons le donner maintenant à notre Guru » ([liii]), mais avec la conscience que le lien qui nous unit à Lui est un lien indissoluble, et encore une fois, profondément sacré, car, selon les Lois de Manou, il est pour nous le Père, la Mère et l’Instructeur qui va nous aider, dans une certaine mesure selon nos propres efforts, à parcourir le Sentier du Renoncement et de la Sagesse. Et notre grand Instructeur, H.P. Blavatsky, nous dit : « C’est parce que les MAÎTRES possèdent ces Paramitas à des degrés divers, selon leur tempérament respectif et le degré de développement Bodhisatvique qu’ils ont atteint, qu’ils ont droit à notre vénération en tant que nos Instructeurs » ([liv]).

Puissions-nous allumer en nous les Trois Feux du Respect ! Ils éclaireront notre route d’une lumière qui jamais ne s’éteindra et nous pourrons dire avec le prophète Job :

« Tu feras alliance avec les pierres des champs, et les bêtes des champs seront en paix avec toi… Interroge les bêtes, elles t’instruiront ; les oiseaux du ciel te l’apprendront ; parle à la terre, elle t’instruira ; et les poissons de la mer te le raconteront. Qui ne reconnaît chez eux la preuve que la main de l’Éternel a fait toutes choses ? Il tient dans sa main l’âme de tout ce qui vit, le souffle de toute chair d’homme » ([lv]).

Voir la Vie Divine en tout, respecter sa forme et son essence, c’est aller vers les « grandes routes des nuées et les merveilles de celui dont la science est parfaite » ([lvi]).  [Retour Sommaire]

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10.  Bhakti ou les lampes d’or de la dévotion

« Le Yogui est comme une lampe qui, à l’abri du vent, ne vacille pas, lorsque ayant soumis sa pensée, il se livre à l’Union Mystique. » La Bhagavad-Gîtâ, VI. 19.

LMI V11 13BHAKTI ! Combien ce mot à une résonance évocatrice pour le réel Mystique de l’Orient ! De même que le coquillage ourlé, quand on l’approche de l’oreille, semble contenir le bruit majestueux et lointain de l’Océan sans limites de la Vie éternelle, aux profondeurs inconnues : « Les eaux sans rivages d’Akshara » !

Quand certaines étapes du Sentiers de la Sagesse ont été parcourues et que nous avons résolu de pratiquer la Science du Renoncement, alors dans les profondeurs de notre conscience s’élève un Grand Pouvoir : le Pouvoir de la Dévotion – BHAKTI.

C’est le moment solennel où, une à une, les Lampes d’Or de la Dévotion vont s’allumer en nous. Car, la Bhakti c’est le Feu de l’Esprit.

La Bhakti, c’est l’agenouillement de tout notre être inférieur devant la Présence, la Présence Auguste de l’Unité Divine dans le Sanctuaire du Cœur : Shiva, Krishna, Bouddha, Christ, qu’importe le Nom ! C’est le « Mot Perdu » que nous devons retrouver en nous seulement et nulle part ailleurs.

La Bhakti la plus pure, Ekanta-Bhakti, c’est l’aspiration ardente vers le Divin. C’est la Dévotion qui n’est pas la sentimentalité, ni la foi aveugle, mais la Dévotion qui est Sagesse.

La Bhakti est Connaissance, Pouvoir, Force et Compassion, la Loi des Lois. Elle est aussi l’Amour, l’Amour Pur et Divin des Sages, l’Amour qui est la source de la vie et qui est « le germe de la divinité qui existe dans le cœur de l’homme, et qui peut s’épanouir en un soleil répandant la vie, illuminant le mental et projetant ses rayons au centre de l’Univers ; car ce germe est issu de ce centre, et dans ce centre il finira par retourner » ([lvii]).

La Bhakti est la joie, la Joie Sattvique, la Joie Harmonieuse, car elle est Béatitude. Le Printemps, dans la nature, est joie, Fraîcheur, Pureté, Jeunesse, et contient la Promesse de l’Epanouissement. La Bhakti qui est Esprit, est aussi Joie, Fraîcheur, Pureté, Toujours Jeune et contient également la Promesse de l’Epanouissement infini – la Promesse de l’Union de l’homme (Manas) avec l’ « Homme Céleste » (Atma). Quand le Feu de la Dévotion brûle en nous, tout notre être tend à s’unir avec l’Esprit dont l’essence est l’AMOUR. C’est l’annonce du Retour vers le Centre de l’Être.

Le Bhakta est celui qui se prépare à cette Union avec le Divin. Une à une, toutes les lampes de Feu doivent être allumées par sa propre main.

Dès le début de sa préparation, le Bhakta apprend à distinguer entre la dévotion sentimentale et la Dévotion qui est Sagesse. La première appartient au domaine de l’émotion.

Elle est semblable au parfum artificiel crée par le chimiste. La seconde, la vraie Bhakti, découle de Bouddhi (la Sagesse), le « Véhicule Spirituel d’Atma » ([lviii]), l’Esprit. Elle a le parfum pur de la rose ou du santal : le parfum de la Nature impersonnelle et universelle. « Je suis le parfum pur de la terre », dit Shri Krishna. (Gîta, VII.9.). Le Bhakta doit transmuer, par un processus alchimique intérieur, la première dévotion en l’or pur de la Dévotion qui est Sagesse. Et il ne peut le faire qu’en pratiquant, chaque jour, la Science de la Contemplation et du Renoncement. « La contemplation vaut mieux que la science ; le renoncement vaut mieux que la contemplation ; et tout près du renoncement est la béatitude. » (Bhavavad-Gîtâ, XII. 12).

Le XIIe Discours de la Bhagavad-Gîtâ est essentiellement le Discours sur la Bhakti, mais nous la retrouvons aussi dans les autres chapitres.

La Contemplation est le grand Rite du Yoga qui est l’Union avec l’Unité Divine, c’est le Pouvoir de la Concentration et de la Méditation sur le Divin en nous, c’est la vraie Prière. « Celui qui trouve en lui-même son bonheur, sa joie, et en lui-même aussi sa lumière, est un Yogui qui va s’éteindre en Dieu, s’unir à l’être de Dieu. » (Bhavavad-Gîtâ, V. 24)

La Bhakti ne peut être développée que par la pratique de la Concentration et de la Méditation, aidée en cela par la Science du Renoncement. Nous, Concentrer, c’est fixer notre attention sur un objet déterminé. Méditer, c’est penser profondément à l’objet fixé. Le Rite du Yoga, c’est la grande Discipline Intérieure que nous devons appliquer dans notre vie journalière. Nous concentrer et méditer à heure fixe, c’est préparer la Concentration et la méditation de la journée entière qui finiront par embrasser toute notre vie.

Comment commencer ?

Chaque matin, après le bain quotidien, concentrons-nous, méditons sur le Suprême en nous. Dieu est là, au fond du cœur. « Ne savez-vous pas que vous êtes le Temple de Dieu, et que l’Esprit de Dieu est en vous ? (I. Epître aux Cor. IV. 16). Pensons que nous ne sommes pas notre corps, que nous ne sommes pas nos émotions, nos pensées, mais qu’au-delà du corps, de nos émotions et pensées, réside en nous la Flamme venue de la Flamme. En nous est le Seigneur Immortel, Christ, Shiva, Krishna, Celui qui « Baptise avec le Feu », le Feu de la Bhakti !

Après cette Concentration et cette Méditation quotidiennes, d’une durée que se fixe le Bhakta, emportons dans notre cœur, dans les activités de la vie, l’Idéal entrevu, la Gloire de l’Esprit. Alors, commence pour le Bhakta, la VIE SACRAMENTELLE, où toutes les heures de la journée deviennent autant de grains d’encens qui tombent sur le charbon ardent du Cœur. Tout ce que nous allons accomplir sera fait en pensant à la Flamme Divine qui brûle éternellement dans le Sanctuaire de la Conscience. Et le Seigneur Krishna, en tant que cette Flamme, va nous indiquer le Rite à exécuter. Ecoutons l’immortelle leçon « pour vivre en qualité d’entité consciente dans l’Eternité » :

« Quand on m’offre en adoration une feuille, une fleur, Un fruit ou de l’eau, je les reçois pour aliments comme une offrande pieuse. »

« Ainsi donc, ce que tu fais, ce que tu manges, ce que tu sacrifies, ce que tu donnes, ce que tu t’infliges, ô fils de Kunti, fais m’en l’offrande. » (Bhagavad-Gîtâ, IX. 26,27.)

Telle est la sublime Prière ! Le pain que nous mangeons, l’eau que nous buvons, le travail que nous accomplissons, la pénitence, Tapas, que nous nous infligeons ; tout est un sacrement, une « Offrande pieuse » au Seigneur qui demeure en nous !... C’est la porte d’or de Dhyana qui s’ouvre pour le Bhakta, le Dévot ardent et sage, le Portail de la vraie Contemplation qui s’ouvre sur les champs sans bornes de la Lumière infinie, de ce qui a été, ce qui est, ce qui sera à jamais !...

« La porte Dhyana est comme un vase d’albâtre blanc et transparent, dans lequel brûle une flamme d’or, le feu de Prajna qui rayonne d’Atma » ([lix]).

Puisse notre corps devenir comme « un vase d’albâtre blanc et transparent », dans lequel nous aurons allumé la Lampe du Cœur ! Car, « le Yogui est comme une lampe qui, à l’abri du vent ne vacille pas, lorsque ayant soumis sa pensée, il se livre à l’Union Mystique ». (Gîta VI. 19). Aussi, le Bhakta qui veut devenir un Yogui, « un Yogui du Cercle du Temps » ([lx]), s’efforce de se mettre à l’abri du vent de la passion, afin que la Flamme s’élève droite et pure.

Pour activer la Flamme et sachant que le Sentier qu’il suit est « un sentier non manifesté » et qu’il est dur de le suivre sans défaillance, le Bhakta place dans son Cœur une Image : Celle du Maître, du Gourou Bien-Aimé, « Celui dont la science est parfaite » ! Pour le Dévot, le GOUROU est le symbole de l’Eternité. « Il doit être regardé comme un père, une mère », nous disent les Lois de Manou. En Lui, la Flamme resplendit, car Il est devenu la Lumière. Aussi, la Dévotion au Maître devient une aspiration constante vers le Pur, le Sacré. Son Image est là devant le Bhakta. Celui-ci sait qu’IL existe, qu’Il est un des Gardiens de la Science Sacrée, qu’Il veille sur le monde et projette sur lui les rayons de Son Amour et de sa Sagesse. Déjà, le Bhakta Le connaît dans son cœur. Son désir est de le servir. Servir comme Il sert, aimer comme Il aime ! Il sait encore qu’un jour il se trouvera en Sa Présence, et c’est pourquoi il s’efforce de « vivre dans ce Maître » ([lxi]), car il est écrit : « Fixe toute ton attention sur le Maître que tu ne vois pas encore, mais que tu pressens » ([lxii]). Et quand le cœur du Bhakta est lourd de fatigue (la route est parfois longue !) il trouve son soutien et sa force en méditant sur Lui. Oh ! Ces heures de paix inexprimables – où, dans le silence, le Bhakta s’élève vers le Gourou, non pour lui adresser une prière, un secours, cela jamais, mais pour devenir un Centre de Sa Force, de Son Pouvoir, de son Rayonnement – qui peut les connaître ces heures ? Ceux qui font tous leurs efforts pour devenir des vrais Serviteurs fidèles !...

La voie du Bhakta est peut-être une Voie Douloureuse. Il sent, il éprouve plus intensément les assauts de la vie, les épreuves l’assaillent de tous côtés, il verse, sans doute, bien des larmes secrètes, mais il a appris : « Avant que le disciple puisse se tenir debout en la présence du Maître, ses pieds doivent être lavés dans le sang du cœur » ([lxiii]). Le sang du cœur est le sacrifice, le renoncement à tout ce qui n’est pas divin. Que la Face du Seigneur soit proche ou lointaine, selon les brumes qui s’élèvent de sa nature encore pécheresse, le Dévot fait tout ce qu’il peut pour rester ferme, sourd à toute tentation. Et sa Bhakti est attisée sans cesse par l’Etude, « le bois parfumé de la Connaissance Spirituelle », et par le Service des Hommes, ses frères.

Etude, Service et Contemplation sont les trois Pouvoirs, les Talismans du vrai Bhakta. Il étudie pour donner, il sert pour apprendre, il contemple pour renoncer. Et tout se résume dans le Service du Maître. Il agit en contemplant et contemple en agissant. Il essaye de devenir une lentille où convergent les rayons de la Flamme. Comme le disait notre Instructeur H.P. Blavatsky parlant d’elle-même, en tant que Disciple : « Je suis une fenêtre par laquelle entre et luit la lumière ». Sachant encore que « l’homme qui veut trouver le Maître doit faire de cette recherche le but dominant de sa vie », le Bhakta sert son Gourou, non pour recevoir quelques-uns de Ses dons, mais dans la seule joie de Le Servir ! Il s’immerge dans Son Sourire, non pour la gloire personnelle de le recevoir, mais parce qu’il sait que Son Sourire est la gloire de la Vie impersonnelle et universelle, et qu’il peut devenir lui-même un « avant-poste » de la Conscience du Maître, de Sa Vie !...

Telle est la pure Bhakti qui conduit le Dévot à la transformation totale de son être, aux Noces Spirituelles où s’accomplit l’Union de l’homme avec l’Esprit, « le Père qui est dans le secret ».

La Bhakti est le grand Rite de la Vie. Puisse chaque heure du jour qui tombe dans le sablier du Temps, être offerte au Maître, dans la Cellule du Cœur. Et chaque jour deviendra une Prière, un Rite, une Offrande, un Feu. Car, seul, le Gourou Sacré peut dire avec Shri Krishna :

« Je suis le rite, je suis l’offrande ; c’est moi qui suis la prière, je suis le feu…le seigneur, le refuge, l’ami. » (Bhavavad-Gîtâ, IX, 16 et suiv.)

Puissions-nous trouver le Refuge, l’AMI !... Puissent les Lampes d’Or s’allumer en nous !... Et nos yeux s’ouvriront enfin à la Vie, la Vie qui est Dieu, l’Unité Absolue.  [Retour Sommaire]   

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11.  La grande vigile

« O toi qui est anxieux, à aucun guerrier s’offrant volontairement pour combattre dans l’ardente lutte entre les vivants et les morts, à aucune recrue ne peut jamais être refusé le droit d’entrer sur le sentier qui mène vers le champ de bataille. » La Voix du Silence, p. 57.

LMI V11 14En terminant cette série de chapitres sur la Science du Renoncement, nous avons essayé de montrer à ceux qui désirent vivre la Vie Spirituelle quelques-uns des grands Enseignements de la Théosophie réelle, constante, unique à travers les âges, l’Antique Sentier des Sages.

Sur cette mer houleuse et pleine d’écueils de la Vie, brille à jamais le « Phare de l’Inconnu », dont la Lumière éternelle est issue des profondeurs insondables de l’Espace Vierge – l’INCONNAISSABLE. Cette Lumière seule peut être notre guide, elle seule doit être notre espérance. Grands sont les dangers, grandes sont « Les douleurs de la naissance » ! Nombreux sont les pèlerins : la foule entière des hommes ! Mais, au fond de tous les cœurs gît la promesse que « Même si tu es le plus grand des pécheurs, sur le vaisseau de la connaissance tu traverseras tout péché » (Bhavavad-Gîtâ, IV. 36). C’est la Promesse de Shri Krishna, c’est le Message éternel de la Tribu des Grands Instructeurs de l’Humanité.

La Connaissance Spirituelle doit être acquise au prix de nos efforts personnels. Elle ne consiste pas en une connaissance livresque. C’est l’Etude du Mental Divin dans la Nature et dans l’Homme. En nous est le secret de la Vie. Pour le trouver, « il faut cesser d’être un nombre et être devenu tous les nombres », dit un vieux livre occulte.

Tant que nous vivrons comme un nombre séparé, nous serons plongés dans la souffrance de la grande illusion de la séparativité. Nous souffrons parce que nous limitons notre vie à notre petite personnalité d’un jour, nous faisons d’elle le centre de l’univers ! Et quel centre ! Un amas de convoitises, d’orgueil, de passions déchaînés, d’hypocrisies, de dureté de cœur, de colère, et par-dessus tout, d’égoïsme farouche : nous aimons pour nous, nous voulons tout pour nous, nous cherchons la richesse matérielle pour nourrir nos désirs personnels, nous pleurons sur nos douleurs, nous nous éveillons chaque matin en pensant à nous-mêmes, nous vivons notre journée centrés sur nos pensées, nous nous endormons le soir en pensant encore à nos sensations du jour, et nos rêves ne reflètent que l’amour passionné que nous portons à notre petit soi. Et pendant toute la vie entière, jusqu’à notre dernier souffle, c’est le « Je » qui a grandi comme une herbe mauvaise, comme une « ivraie géante » qui a envahi entièrement notre être et nous a fait oublier que notre souffrance vient de ce « je » et que par lui nous avons fait souffrir les autres. Dans notre inconscience, dans notre folie du « je » nous ne sourions plus à la Vie ; nous sommes devenus durs et amers, et nous avons perdu le sens de la Vie. Nous sommes morts avant d’être morts !

Oh ! Le regard d’une vie ! Quelle épreuve ! Il faut avoir le courage de regarder notre vie, quand il est temps encore. N’attendons pas ! Le soir de la vie arrive si vite ! Il arrivera pour nous tous ce soir de la vie. Aujourd’hui, peut-être, ou dans vingt ans, qu’importe ! L’essentiel est de regarder et comprendre, comprendre que la Vie est une Grande Vigile.

Si nous voulons bien nous évader des soucis mesquins de notre sphère personnelle et considérer que nous sommes des Pèlerins qui accomplissons le long Pèlerinage sur la grande route de l’évolution, alors nous serons capables de nous éveiller aux aspects impersonnels et universels de la Nature, et d’entendre battre en nous le Grand Cœur de la Vie, « le Cœur aux pulsations éternelles ». Le « je » que nous sommes doit devenir le TOUT. Le nombre doit devenir tous les nombres.

Dans des termes magnifiques, Mme Blavatsky nous a transmis les Vérités antiques sur notre évolution :

« Le Pèlerin est immaculé lorsqu’il commence son long voyage ; il descend de plus en plus profondément dans la matière pécheresse et s’associe à chaque atome dans l’Espace manifesté ; puis après avoir lutté et souffert dans chaque forme de l’être et de la vie, il ne se trouve qu’au fond de la vallée de la matière ; il a parcouru la première moitié de son cycle ; il s’est identifié avec l’Humanité collective. Cette humanité il l’a faite à son image ([lxiv]). »

Et notre Instructeur, montrant le Sentier à suivre, ajoute :

« Pour rester dans la voie du progrès, en s’efforçant de monter toujours et de gagner la vraie patrie, le « Dieu » a maintenant pour devoir de gravir dans la douleur le sentier escarpé du Golgotha de la Vie. C’est le martyre de l’existence soi-consciente. Semblable à Visvakarman ([lxv]), il doit se sacrifier à lui-même pour racheter toutes les créatures, pour ressusciter du plusieurs en la Vie Une. Alors, il monte véritablement au ciel où il est plongé dans l’Etre absolu incompréhensible et dans la Félicité du Paranirvana… » ([lxvi]).

Nous voyons ainsi que la Vie ne se limite pas seulement à notre existence séparée, que la Vie n’est pas contenue dans le court espace de la naissance à la mort, mais qu’elle embrasse l’Eternité, et que dans l’Espace sans limites, infini, les mondes naissent, vivent et meurent, obéissant à la Loi Divine qui est la Vie elle-même, Immuable, sans commencement ni fin. Et quand tous les univers visibles sont disparus, quand la Grande Nuit Cosmique s’est étendue dans l’Espace illimité, qu’il n’y a plus rien, ce RIEN est alors devenu le TOUT – c’est la Vie au Mouvement Perpétuel qui est devenue Consciente d’Elle-Même. Le But a été atteint pour l’Homme crucifié dans la Matière. Il est devenu conscient de lui-même. Il est devenu tous les nombres dans l’Unité. Il est entré dans l’Eternité, en attendant d’autres Aubes Universelles qui verront d’autres évolutions plus gigantesques, plus vertigineuses dans l’Éternel Devenir !

LMI V11 16Et quand, pris de vertige, nous revenons à notre vie sur la terre, nous comprenons que chaque vie que nous vivons ici-bas, au lieu d’être inutile et sans importance, est, au contraire, un degré d’or sur l’Echelle des Existences, un pas en avant vers la réalisation de nous-mêmes, une Probation sainte et sacrée qui nous conduira vers le Temple de la Divine Sagesse.

Nous réalisons maintenant que cet état Probatoire, dans lequel nous sommes tous, exige une Vigilance constante et que la Vie est bien une Grande Vigile. Dans cette Vigile, l’« ivraie géante » du « je » personnel et égoïste, la racine du mal, doit être arrachée de notre cœur. Il nous faut apprendre à vivre dans l’Éternel. La Joie de Vivre ne pourra devenir réelle que lorsque nous aurons cultivé et développé l’Impersonnalité et l’Universalité. Devenir impersonnel et universel, c’est devenir peu à peu conscient du Régent Intérieur, de la Flamme Divine qui brûle dans le Sanctuaire du Cœur. Si nous voulons tuer l’égoïsme, cesser de faire le mal, et de nous appesantir sur notre personnalité, il nous faut « centrer l’universel dans l’individuel, sentir et penser universellement et impersonnellement » ([lxvii]). Là gît le grand secret de l’Initiation à la Vie, qui fait de l’homme un Dieu. « Car, l’homme, disait Pythagore, « doit devenir un homme et ensuite un Dieu ». Là est notre tâche, de la naissance au tombeau, dans chaque Vie. C’est vraiment la Renonciation au soi personnel pour conquérir le SOI impersonnel : Ishwara, Dieu.

Sainte et sacrée est donc la vie ! Chaque jour qui s’écoule est une Vigile, une Préparation, une Veille où s’élaborent les forces salvatrices de notre être. Si chaque matin qui se lève, nous pensions que c’est peut-être le dernier de notre vie terrestre et que nous voulons qu’il soit le plus noble de toute notre existence, combien notre vie serait revêtue de beauté profonde et d’actes altruistes et universels ! Et quand le soir de la vie arriverait réellement, nous pourrions partir sans regrets. Calmes et confiants, sans orgueil, conscients de toutes nos fautes, nous pourrions contempler notre vie, la regarder, avec cette sérénité qui découle du DEVOIR accompli, du Devoir envers nous-mêmes, du Devoir envers les autres, du Devoir envers l’Humanité. La sérénité d’un beau soir d’été n’a d’égale que la mort sereine de celui qui sait que la mort n’est que le repos de l’Ame après les âpres labeurs de la vie, une halte dans le Pèlerinage. Halte après laquelle revient périodiquement l’ascension vers les sommets de l’Etre.

Ainsi, heureux celui qui considère la Vie comme une Vigile, comme une Probation ! Il a compris le sens de l’existence, le Pouvoir de la Connaissance, la Douceur profonde d’aimer, la Joie de donner, de Servir. C’est le chant de la Vie qui commence à retentir dans les « bosquets » de l’Ame. Chant d’abord bien faible, semblable à un beau thème grave. Mais à mesure que nous veillons et que nous pratiquons le Renoncement, le thème s’élève, se transforme et devient un Chœur puissant qui chante le succès « des Pèlerins sans crainte ». Et déjà nous entrevoyons la surhumaine Beauté de la Vie, dans le radieux Espoir de la Victoire finale.

Le Sentier du Renoncement a été appelé le « Sentier de Douleur », c’est la douleur pour le « mort vivant », pour celui qui ignore les vérités de la sagesse ésotérique, mais pour celui qui a levé les yeux vers la lumière, il peut dire avec la Voix du Silence : « Doux sont les fruits du long et amer devoir, du renoncement pour l’amour des autres, pour l’amour des frères en humanité qui souffrent. » [p. 61] « Laisse ton âme prêter l’oreille à tout cri de douleur, comme le lotus met son cœur à nu pour boire le soleil matinal. » [p. 28]

En terminant, nous voyons que la Science du Renoncement est le Sentier connu seulement par ceux qui ont vraiment faim de la vérité, qui désirent ardemment s’élever « hors de la boue des mensonges terrestres » [Voix du Silence, p. 67] pour s’élancer sur « les grandes routes des nuées ». Aux âmes fortes, courageuses, enflammées par le désir de Servir, la sublime Science Sacrée de tous les Ages leur montre que le Sentier est là devant nous tous. Il commence dans le Cœur et se termine dans l’illumination parfaite du Cœur. « Tu ne pourras parcourir le sentier avant d’être devenu ce sentier même » [Voix du Silence, p. 28]. Pour tous le Sentier est ouvert, car il est écrit :

« Ô toi qi est anxieux, à aucun guerrier s’offrant volontairement pour combattre dans l’ardente lutte entre les vivants et les morts, à aucune recrue ne peut jamais être refusé le droit d’entrer sur le sentier qui mène vers le champ de bataille » ([lxviii]).

Mais, dès le début du combat, dès le début du Voyage, souvenons-nous toujours que l’acte du Renoncement doit être accompli pour l’acte lui-même, sans nous attacher aux fruits de l’action. Faisons l’Œuvre, non pour ce qu’elle nous procurera. C’est ainsi que nous entrerons, peu à peu, dans l’atmosphère bénie des Saints Gourous, de Ceux « qui viennent de la Grande Tribulation », et qui ont revêtu la Robe Blanche de la Renonciation. Les Maîtres de Sagesse, les Gourous de la Science Sacrée sont vivants. Ils nous attendent. Voici ce que l’Un d’Eux écrivit :

… « Imposez-vous à celui des « Maîtres » que vous aurez choisi ; faites de bonnes œuvres en son nom et pour l’amour de l’humanité ; soyez pur ; suivez résolument le sentier de la justice (tel que le définissent nos règles) ; soyez honnête et altruiste ; ne vous oubliez vous-même que pour songer au bien des autres – et vous aurez forcé ce « Maître » à vous accepter…Votre avenir est en vos propres mains…et chaque jour vous pouvez en tisser la trame…

…Ah ! Si vos yeux s’ouvraient, ils pourraient découvrir enfermée dans l’heure présente, une perspective de bénédictions potentielles pour vous-mêmes et pour l’humanité qui enflammerait vos âmes d’allégresse et de zèle ! Efforcez-vous d’atteindre la Lumière, vous tous braves guerriers de la Vérité, sans laisser l’égoïsme pénétrer vos rangs…

…A vous personnellement, enfant, qui vous débattez au sein des ténèbres dans votre marche vers la Lumière, je tiens à dire que le Sentier n’est jamais fermé. Seulement la difficulté de le découvrir et de le suivre est en raison directe des erreurs anciennes… ; soyez un missionnaire d’amour et de charité… Il reste dans votre vie d’innombrables pages à remplir ; elles sont encore pures et blanches. Enfant de votre race et de votre époque, saisissez la plume de diamant et inscrivez sur ces pages l’histoire de nobles actions, de jours bien employés, de saints efforts. C’est ainsi que vous vous élèverez sans cesse vers les plans supérieurs de la conscience spirituelle… Essayez, enfant. ESPEREZ et acceptez ma bénédiction. »

                                           MAHATMA K.H.

Puissions-nous entendre l’Appel ! Puissent nos yeux s’ouvrir à la Lumière !…

                                          KRISHNA DASA.

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 NOTES

[i] [Textes Théosophiques – TT – La Bhagavad-Gîtâ – VI, 1 : « Celui qui accomplit les actions nécessaires sans s'attacher à leurs fruits pratique à la fois le renoncement à l'action [Samnyâsa] et la consécration par le juste accomplissement de l'action |Yoga] ; mais celui qui vit sans allumer le feu du sacrifice et sans accomplir les cérémonies [les cérémonies prescrites par la loi brâmanique] ne peut être considéré comme tel.

[ii] [Bible de Jérusalem – Job, XXXVII, v. 15 et 16 : « Sais-tu comment Dieu leur commande et comment sa nuée fait luire l’éclair ? Sais-tu comment il suspend les nuages en équilibre, prodige d’une science consommée ? »]

[iii] Revue Théosophie, volume. V., p. 146.

[iv] [La Bhagavad-Gîtâ, VI, v. 5.]

[v] La Voix du Silence, [p. 82].

[vi] La Voix du Silence, [p. 67 : « VÎRYA, l'énergie indomptable qui fraie sa route vers la suprême VÉRITÉ, hors de la boue des mensonges terrestres »].

[vii] Ibid. [p. 26].

[viii] Revue « Théosophie ». Vol. I., p. 217.

[ix] Ibid, p. 217.

[x] L’Apocalypse, VII. 13-14 – [Bible de Jérusalem : Le triomphe des élus du ciel : « L’un des Vieillards prit alors la parole et me dit : « Ces gens vêtus de robes blanches, qui sont-ils et d’où viennent-ils ? » Et moi de répondre : « Monseigneur, c’est toi qui le sais. Il reprit : « Ce sont ceux qui viennent de la grande épreuve : ils ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l’Agneau. »]

[xi] Sect. II. Chap. XVII.

[xii] Traité de l’Incarnation de J.C. Jacob Böhme. [De l’Incarnation de Jésus-Christ, III, v. 19]

[xiii] [Voix du Silence, pages 42-3 : « Détourne ta face des tromperies du monde ; méfie-toi de tes sens, ils sont faux. Mais, à l'intérieur de ton corps, tabernacle de tes sensations, cherche dans l'Impersonnel l' « Homme Éternel » [L'Ego qui se réincarne est appelé par les bouddhistes du Nord « l'homme réel », lequel, en union avec son Soi Supérieur, devient un Bouddha], et l'ayant trouvé regarde en dedans : tu es Bouddha [« Bouddha » veut dire « Illuminé » [« Éveillé »]].

[xiv] [Epître aux Romains, VII, 19]

[xv] La Voix du Silence.

[xvi] Souligné par nous.

[xvii] « L’Occultisme et les Arts Occultes », Revue Théosophie, Vol. I. p. 216 [Voir : Raja-Yoga ou Occultisme, page 52, éd. Textes Théosophiques].

[xviii] Ibid. [Raja-Yoga ou Occultisme, page 51, éd. Textes Théosophiques : « Qu'il sache dès le début, et qu'il se souvienne toujours, que le véritable Occultisme ou la Théosophie est le « Grand renoncement au SOI », absolu et sans restriction, en pensée comme en acte. C'est l'ALTRUISME, et il rejette complètement celui qui le pratique hors des rangs des vivants.]

[xix] Bhagavad-Gîta. Discours XVI.

[xx] Isis Dévoilé [Isis Unveiled, éd. Theosophical Company, vol. I, page 307: “The truth, symbolized by some alchemists as dew from heaven, had descended into their hearts, and they had all gathered it upon the tops of mountains, after having spread CLEAN linen cloths to receive it; and thus, in one sense, they had secured, each for himself, and in his own way, the universal solvent.]

[xxi] [V.S., p. 47]

[xxii] [Saint Jean, III, 6]

[xxiii] Saint Jean, III, 3.

[xxiv] [Voir article d’HPB, « Qu’est-ce que la vérité ? » (CT n°31), page 2 : « Car nul encore, né d'une femme mortelle en notre race, n'a ou n'aurait pu révéler la vérité finale et totale à un autre homme ; car chacun de nous doit trouver pour lui-même cette connaissance finale en lui-même. Puisque deux entités mentales ne peuvent être absolument semblables, chacune doit recevoir l'illumination suprême à travers son propre canal, selon ses capacités, et ne venant d'aucune lumière humaine. Le plus grand adepte vivant ne peut révéler de la Vérité Universelle que ce que le mental qu'il influence en peut assimiler, et rien de plus. »

La vertu peut-elle s’enseigner ? Protagoras l’affirme, Socrate en doute – Platon, Le Sophiste]

[xxv] [Theosophical Glossary : Lila (Sk)  Sport, literally; or pastime. In the orthodox Hindu Scriptures, it is explained that “the acts of the divinity are lila”, or sport.]

[xxvi] The Secret Doctrine, Edit. or. p. 96. 1er vol.

[xxvii] Mahavagga du Vinaya. Adoption de la traduction de Rhys David et Oldenberg. On peut trouver ce Sermon dans « Gotama le Bouddha ». (Payot. Paris.)

[xxviii] [En référence possible avec : Bhagavad-Gîtâ, XVIII, [51] « Celui qui, pénétré de pur discernement, se maîtrise avec fermeté, écarte les charmes des sons et autres objets des sens et se débarrasse de l'attachement et de l'aversion, [52] qui demeure dans des endroits retirés, mange peu, tient sous contrôle le langage, le corps et le mental, s'engage dans une méditation constante et reste inébranlablement établi dans le non-attachement au désir, [53] qui abandonne l'égotisme, l'arrogance, la violence, la vanité, le désir, la colère, l'orgueil et les possessions et demeure toujours calme, un tel homme est qualifié pour devenir l'Être Suprême. »]

[xxix] [Voix du Silence, p. 32]

[xxx] [Voix du Silence, p. 82 : Il faut que tu atteignes une telle fixité du mental qu'aucune brise, si forte soit-elle, ne puisse y introduire une pensée terrestre. Ainsi purifié, le sanctuaire doit être vide de toute action, de tout son et de toute lumière de nature terrestre ; de même que, saisi par la gelée, le papillon tombe inanimé sur le seuil, ainsi toute pensée de la terre doit tomber morte devant le temple.]

[xxxi] [Bhagavad-Gîtâ, XVIII, [61]« Il y a dans le cœur de chaque créature, ô Arjuna, le Maître —Îshvara — qui, par son pouvoir magique, cause la rotation de toutes les choses et de toutes les créatures sur la roue universelle du temps. »]

[xxxii] La Voix du Silence [page 72].

[xxxiii] La Voix du Silence [page 72].

[xxxiv] Chélas et Chélas Laïques, par H.P. Blavatsky ; voir Revue Théosophie, vol. I, p. 146 [Raja-Yoga ou Occultisme, pages 18 et 19].

[xxxv] [Bhagavad-Gîtâ, XII, 5]

[xxxvi] La Lumière sur le Sentier.

[xxxvii] The Secret Doctrine. Edit. orig. vol. I, p. 459.

[xxxviii] La Voix du Silence.

[xxxix] Lettres qi m’ont aidé, [p. 97].

[xl] [Voix du Silence, page 27]

[xli] [Voix du Silence, p. 41 et 32]

[xlii] Sur la question sexuelle, L. Tolstoï, p. 116.

[xliii] Ibid, pp. 33-43.

[xliv] Revue « Théosophie », vol. VI. p. 122.

[xlv] Voir la Science du Renoncement, Chap. III.

[xlvi] The Secret Doctrine. Edit. or. 2e v., p. 458.

[xlvii] Ibid. 2e v., p. 295.

[xlviii] La Voix du Silence [p. 28].

[xlix] Lois de Manou. Livre second.

[l] Lettres qui m’ont aidé, [p. 63].

[li] Lois de Manou. Livre second.

[lii] [Voix du Silence, p. 22]

[liii] Lettres qui m’ont aidé, W.Q. Judge, [p. 65].

[liv] « Morte, Elle nous parle encore ». Revue Théosophie. Vol. I, p. 170.

[lv] Livre de Job, V, 23 ; XII, 7, 8, 9.

[lvi] Ibid. XXXVII, 16.

[lvii] Revue Théosophie, Vol. VI, p. 6.

[lviii] The Secret Doctrine, édit. Or. Vol. II, p. 231.

[lix] La Voix du Silence [pp. 85-86].

[lx] [Voix du Silence, p. 46]

[lxi] La Voix du Silence [p. 69].

[lxii] Ibid. [p. 31]

[lxiii] La Lumière sur le Sentier [p. 10].

[lxiv] The Secret Doctrine, Edit. or. Vol. I. p. 268.

[lxv] Dieu Védique qui est la personnification de la force créatrice. K.D.

[lxvi] The Secret Doctrine, Vol. I. p. 268.

[lxvii] « Les Douleurs de la Naissance », Revue Théosophie, Vol. VI, p. 219.

[lxviii] La Voix du Silence [p. 57].