Les sphères endormies – Jasper Niemand – Première partie

[Récit très instructif de Jasper Niemand, une Théosophe bien connue dans le milieu théosophique, de sa propre expérience de mort imminente EMI (NDE). L'expérience est d’un niveau exceptionnel car elle se prolonge par une vision et une expérience du Devachan, l’état de conscience spirituelle vécu entre deux réincarnations. Le Messager et compagnon spirituel qu’elle évoque pourrait bien être pour une grande part son Maître intérieur.]

IntroductionsPremière partieDeuxième partie

Introduction aux « Sphères endormies »

LMI SpereEndormies 1« Les sphères endormies » est un article, longtemps perdu, sur les états post mortem de l'Ego humain, écrit par Jasper Niemand, le pseudonyme de Mme Archibald Keightley, bien connue dans les rangs de la Société Théosophique en Amérique sous le nom de Mme Julia Campbell Ver-Planck. En tant qu'amie proche et collègue de William Q. Judge, elle est également à l'origine d'une grande partie du contenu des Lettres qui m’ont aidé de W.Q. Judge. L’article de Julia a été publié en série dans les numéros de mars à juillet 1953 de la revue The Canadian Theosophist ; puis réimprimé avec des modifications mineures dans l’édition d’août 1982. « Les sphères endormies » rapporte les observations de l'auteur lorsqu'elle fût, semble-t-il, capable de voir et, dans une certaine mesure, d'expérimenter directement [l'état de vie et de conscience] post-mortem du Devachan. Dans la première partie, elle raconte sa vision des « Monades endormies », comme si elles étaient vues pour ainsi dire de « l’extérieur ». La deuxième partie est un récit plus intime quand sa conscience est immergée dans l'état de Devachan ; elle revit la « vision de sa vie passée » de « l'intérieur » au cours d'une expérience de mort imminente [EMI ou NDE]. L’article est présenté dans son intégralité, les parties I et II se succèdent l’une l’autre pour préserver la cohérence [et richesse] du récit. Les notes de Monsieur Roos [qui retrouva cet article perdu] qui sont jointes aux deux parties ont été numérotées séquentiellement de 1 à 40 et les numéros de référence ont été ajoutés dans le texte auquel les notes se réfèrent.

Introduction de Dudley W. Barr, éditeur de la revue The Canadian Theosophist

 (La traduction de l’introduction sera mise en ligne dès que possible)

Sur l’auteur J.N.

(Traduction en cours ; sera mise en ligne dès que possible) [Retour sommaire]

1ère Partie

LMI Divers 2Un jour, quelqu'un vint à moi, en m'appelant hors de la forme où je demeure, et me fit voir les Sphères endormies.

Or le but de ce Messager (1) en venant à moi était de me révéler certaines des choses cachées - je veux dire par là : cachées aux yeux de la chair, bien qu'elles ne soient pas à ce point éloignées de notre portée, si seulement nous voulons bien faire quelque effort mental pour voir. Et il semble qu'une autre intention ait été la suivante : si j'étais capable de les voir, pour ainsi dire objectivement, fût-ce même par l'organe astral de la vue, je serais peut-être à même de rendre cet état de Devachan (2) plus clair à la pensée de certains de mes semblables. Car ces Sphères endormies sont précisément des entités qui font l'expérience du Devachan. À ce niveau, nous ne sommes pas encore en communion avec la SOURCE INCONNUE. C'est pourquoi il faut à l'Ego une forme ou une autre - un véhicule qui le contienne. Arbitrairement peut-être, j'ai choisi ici le nom de "Sphère" pour désigner cette forme propre au Devachan.

Ces Sphères - il n'y en a pas de plus belles - ne sont pas présentes en un lieu donné. Elles sont indépendantes de l‘espace. Elles ont une condition propre mais aucune localisation (3). Lorsque je demandai à mon compagnon comment cela pouvait vraiment se faire, il me fit ressortir qu'elles étaient en interpénétration avec bien d'autres états de matière, en maintenant la cohésion grâce à leur vibration propre (4) - comme le font d'ailleurs les autres formes dans toute la nature, quelles que soient leur espèce et leur densité plus ou moins éthérée.

J'avais quitté mon corps physique pour accéder à l'air (5), dans ma forme aérienne, et de là je m'étais transférée dans l'éther. Voici que, tout autour de moi, il y avait ces Sphères endormies, suspendues comme de minces voiles sphériques, d'une impalpable transparence laiteuse, sur un océan d'or et de lumière. Par instants, un frémissement d'une teinte à peine perceptible les faisait trembler dans leurs profondeurs, et moi aussi je tremblais, car il m'était donné de savoir que ces mouvements de couleurs étaient, en réalité, des Pensées de délectation intense. Oui, ces Sphères qui palpitaient éprouvaient une joie pure dans leurs mouvements opalescents - une joie qui accompagnait leurs pulsations dans l'éther vivant, et qui était pleine d'une grande signification. C'était bien clair, même à ma compréhension qui, à ce moment, n'était encore que celle de mon corps aérien (6). (Je suppose ici que mes lecteurs savent, peut-être mieux que moi-même, que la conscience permise par un corps donné diffère grandement de celle qui est possible avec un autre. Et cela reste vrai, que ces corps distincts soient tous contenus dans leur enveloppe extérieure, ou qu'à un instant donné ils se trouvent séparés de cette carapace impermanente).

Essayez donc d'imaginer que j'ai perçu ces formes rayonnantes, tantôt argentées avec une sorte de poudroiement bleuté, tantôt prises d'un foisonnement de teintes si diaphanes que seul l’œil de l‘âme pouvait les saisir - et efforcez-vous de concevoir que chaque teinte correspondait à une Pensée, une expérience. Ces belles Pensées étaient les rêves de ces âmes libérées de l'emprise de la terre. Et en rêvant ainsi, les Sphères dormaient. Quelle félicité dans ces rêves ! Car ces couleurs étaient tout à la fois vivante Lumière et éclats d'Intelligence ; chaque nuance était Pensée - mais Pensée de l‘ordre le plus exalté que puisse connaître le Mental humain. La Pensée frémissait dans les Sphères, en les faisant passer d'un état de conscience à l'autre, en les fusionnant à nouveau (7), en stimulant leur Vie supérieure, en les faisant rayonner de leur plus pure Lumière, dans un plan du monde où Lumière, Vie et Pensée constituent un seul acte magnifique d'Etre, et non pas ces choses banales que connaissent la plupart des hommes dans la routine journalière. Chaque Sphère devenait de la sorte de plus en plus incandescente de cette triple VIE, et sous mes yeux elles croissaient et s'épanouissaient au rythme de cette douce pulsation irisée, comme des fleurs s'ouvrant à une perfection croissante, à force d'assimiler la lumière du soleil. Cet épanouissement était divin, la paix profonde. Semblable à une mère enveloppant sa progéniture, le Silence planait sur elles ; seule, par moments, faisait ressortir sa profondeur une sorte de douce musique en demi-ton - l'harmonieuse respiration des Sphères endormies.

Plût au ciel que je n'aie rien d'autre à rapporter !

Hélas ! pendant que j'observais leur Être plein de grâce, il m'apparut que, comme des fleurs, il faudrait qu'elles se fanent. Bien qu'elles fussent composées d'atomes de vivante Lumière - de cette Lumière qui est elle-même une immense Conscience - je ne tardai pas à remarquer un notable changement (8) qui progressivement les touchaient l'une après l'autre. Pour commencer, ce changement les rendait excessivement belles ; il résultait d'un léger mouvement rythmique des atomes de la Sphère. Voici que les atomes se mettaient à danser, comme de vivantes opales traversées de la plus tendre Lumière. À ce spectacle, je ne pouvais que me demander : « Quelles nouvelles Pensées occupent maintenant les rêves de ces Sphères ? ». Ce mouvement ne tarda pas à se communiquer aux Sphères elles-mêmes. Elles se mirent à trembler avec des éclairs de Lumière et s'éveillèrent magnifiquement (9). Alors jaillirent de leurs oscillations des splendeurs que nulle langue ne saurait nommer, nulle parole contenir. Et chacune des Sphères, se joignant à la danse symphonique, émit un chant comme une partie d'un chœur ; c'était une musique dont l'instrument ordonné était l'âme dans sa nudité, une musique faite des flammes visibles du plus doux et du plus intense désir. Tout mon être se tendit en de délicieuses aspirations où la vénération n'avait aucune place. J'interrogeai mon compagnon : « Qu'y a-t-il au fond de tout ce chant ensorcelant ? » Très gravement, il répondit ; « Il chante la Vie du monde ». Je m'étonnai de l'entendre parler avec tant de solennité de ce qui procurait tant de délices mais, en me remettant à observer les Sphères, j'éprouvai une nouvelle perplexité. Leur mouvement accéléré avait engendré des couleurs plus vives, qui, cette fois, tenaient plus de la nature grossière et opaque d'un pigment terrestre. Et voici que la musique déchirait les espaces éthériques : on pouvait percevoir la note stridente de l'émeraude impure, Ia sonnerie de clairon du pourpre enflammé. C'en était fait du sommeil des Sphères. Maintenant, je m'affligeais du spectacle de leur éveil éclatant ; au tréfonds de mon cœur, une voix grave disait : « C'est la fin de toute aspiration » (10).

La musique s'amplifia ; la danse aérienne se changea en tourbillon éperdu, au rythme d'un son plus passionné encore - bien que toujours harmonieux. Ce son eut pour effet de ranger les atomes turbulents au centre des Sphères, où ils se mirent à faire des tentatives de cristallisation - comme pour créer une forme (11). Ces efforts perturbèrent l'unité du mouvement sphérique ; apparurent alors d'autres mouvements, défectueux, troublés, qui traduisaient une altération de la Conscience : la belle Pensée des Sphères avait perdu son harmonie. Il y eut comme des courants de feu rougeoyant, d'étranges contractions, des sortes de douleurs d'enfantement dont chaque convulsion rendait les Sphères moins éthérées, un son dont chaque note donnait lieu à une densification des atomes, jusqu'à ce que soudain, dans un grand frémissement, le noyau central, foyer de création, produise une forme - une forme qui ne retenait qu'un faible reflet de la Lumière initiale, et n'aurait jamais pu exister sur le plan original des Sphères. Fallait-il que les Sphères éveillées aient maintenant à porter ce grotesque fardeau ? Cette forme, suspendue là, ne retenant qu'une frange des élégantes couleurs des Sphères, objet grossier de dispersion pour l'Etre de beauté, je la reconnaissais encore, et dans mon affliction (12) je pensais : « Est-ce ainsi que vient au monde l'enfant terrestre ? Assurément c'est le processus de la Mort que je viens de voir, et non la venue à la Vie ! »

Mon Compagnon répondit : « C'est bien, en vérité, ce dont tu as été témoin. Une mort à l'existence du Devachan, une naissance à la vie matérielle, que toi-même et tes semblables, privés, que vous êtes de la vue, appelez "le monde". La forme dont tu as vu la naissance n'est encore que le modèle de l'être terrestre qu'elle anime de l'intérieur. Il t'appartient à toi d'en savoir plus dans ce domaine qu'on appelle la Vie et la Mort. Une autre fois, j'aurai encore l'occasion de te rencontrer : alors tu subiras un peu de l'expérience de la Vie au niveau du Devachan". Cela dit, il disparut, me laissant dans mon corps éthéré, à dériver dans les courants de la nuit. [Retour sommaire]

Notes explicatives

(1) Au sujet du Messager et du compagnon

Bien que Jasper Niemand ne précise pas qui était ce Messager, le fait que R.S. était instruit pendant la nuit par H.P. Blavatsky fait qu’il est fort probable que le Messager soit Blavatsky. Nous ne connaissons pas la date de la vision. La date de sa publication (juillet 1893) se situe deux ans après la mort de Blavatsky et environ deux ans après le mariage de J.N. avec le Docteur Keightley, mais même si le compagnon dont il est question dans les « Sphères endormies » est certainement [*] le Docteur Keightley, il n’y a rien qui permette de savoir s’il était déjà son mari. Cependant même s’ils étaient déjà mariés au moment de l’expérience de vie comme Sphère endormie, ceci n’inclut pas la possibilité que H.P. Blavatsky soit le Messager. R.S., dans sa lettre à la Comtesse Wachtmeister, décrit comment H.P. Blavatsky, après son décès, lui rendit plusieurs visites, sous une apparence masculine.

[*] [Penser que le compagnon est le Docteur Keightley est une interprétation possible, mais une autre interprétation est de penser que ce compagnon est son Maître intérieur].

(2). Le Devachan

[L’état intermédiaire entre deux vies terrestres dans lequel l'Ego – l'Atma-Buddhi-Manas [Esprit-Âme spirituelle-Mental] ou la Trinité faite Une – entre après la séparation d'avec le kâma rûpa [l’âmes astrale inférieure] et la désintégration des principes inférieurs utilisés sur terre. (Glossaire Théosophique)].

(3). Les Sphères ont une condition, mais pas de localisation [correspondant à nos repères terrestres].

On peut prendre l’analogie, d’une vague sur l'océan, dont il est impossible, ou plutôt insensé, de déterminer l’emplacement précis, car les particules constitutives changent constamment de place pour être remplacées par d'autres. « Condition » fait référence au taux et à l'intensité de la vibration. « Le centre de l'activité dévachanique ne peut être localisé », est-il dit (v. The Theosophist, IV, 268).

(4). Maintenant la cohésion grâce à leur vibration propre  

C’est une déclaration générale sur la logique de l’attraction. C’est un sujet encore inexpliqué par la science moderne. On peut prendre une analogie : ceux qui connaissent les lois de l’électricité et du magnétisme savent qu’entre deux courants électriques circulant parallèlement dans la même direction, il existe une force attractive, appelée électrodynamique, qui est utilisée dans de nombreux instruments et moteurs électriques.

(5). Accéder à l'air

Il s’agit de l’élément subtil « air », en Sanskrit « vayu », et non de l’air que nous respirons. 

(6). Le corps aérien

Ce corps est appelé mayavirupa en Théosophie.

[Le mayavirupa est la "Forme illusoire" ; le "double" dans la philosophie ésotérique. Döppelganger ou périsprit, en allemand et en français (Glossaire Théosophique)].

(7). Passant d'un état de conscience à l'autre, en les fusionnant à nouveau

Les Sphères sont transitoires, changeant d'une étape à l’autre, non seulement dans leur forme, mais aussi dans leurs éléments constitutifs actifs. L'énergie, emmagasinée dans les Sphères pendant la durée de vie de l'Ego intérieur, se dissipe objectivement sous forme de vibrations. Subjectivement ces vibrations correspondent à des pensées et des idées de nature spirituelle.

(8). - Je ne tardai pas à remarquer un notable changement

Il ne faut pas penser que le Devachan est d'une durée très courte ; au contraire, il dure beaucoup plus longtemps que la vie correspondante sur terre. Il s'agit, pour ainsi dire, d'une vie de digestion et d'assimilation spirituelle. JN a été placée dans une condition où elle a pu voir les différentes étapes du Devachan se succéder rapidement, tout comme un psychomètre peut voir une série d'images défiler avec une rapidité extraordinaire devant son œil intérieur ; images appartenant non seulement à différentes parties de l'espace, mais aussi à différentes périodes de temps.

(9). Les Sphères s'éveillèrent magnifiquement

Il s’agit d’un changement d’état de conscience, analogue, mais non similaire, à celui du réveil de l’état de sommeil profond. C’est le passage d’un monde d’effets à un monde de causes. 

(10). C'est la fin de toute aspiration ou désir

De tout désir spirituel ; comme dans le Devachan, les désirs spirituels non satisfaits de la personnalité sont satisfaits jusqu'à l'épuisement complet de leur impulsion originelle, lorsque les forces de Tanha ramènent la Monade à la renaissance.

(11). Tentatives de cristallisation - comme pour créer une forme

On décrit de réunion des skandhas, qui seront associés à la formation du nouveau corps astral.

[Définition du Glossaire Théosophique (éd. Adyar) : Skandha (Sanskrit). Litt., "faisceaux", ou groupe d'attributs ; tout ce qui est fini, inapplicable à l'éternel et à l'absolu. Il y a cinq – ésotériquement, sept– attributs dans tout être humain vivant, qui sont connus comme Pancha Skandhas. Ce sont (1) la forme, rûpa ; (2) la perception, vedanâ ; (3) la conscience, samjnâ ; (4) l'action, samskâra ; (5) connaissance, vijnâna. À la naissance d'un être humain ils sont réunis et constituent sa personnalité. Lorsque ces skandhas sont arrivés à maturité, ils commencent à se séparer et à s'affaiblir, et ceci est suivi de Janâmarana, ou décrépitude et mort.]

(12). Dans mon affliction

Ceci confirme sa déclaration selon laquelle sa conscience « était celle d’un pur corps aérien ».