Peut-on imaginer « la vie après la vie » ?
À ce jeu de devinette, on peut dire que les humains ont rivalisé d'adresse depuis... des millénaires. D'où les innombrables « mythes de la mort », répertoriés à nos jours. Cependant, en remettant à plus tard l'analyse de leur ésotérisme, ne pourrions-nous pas poursuivre notre réflexion avec ce que nous ont appris les NDE, dans l'optique que nous avons adoptée ? Se pourrait-il que le Maître intérieur, qui a imposé sa Présence dans l'antichambre de la mort, disparaisse soudain, comme un mirage du désert, si les liens venaient maintenant à se rompre entre le corps physique et son « habitant », l'ego personnel, au moment où ce dernier jouissait intensément de sa rencontre avec son Ego divin ?
Bien entendu, j'ai abordé le sujet dans Mourir pour renaître, en m'inspirant souvent de la littérature blavatskienne, et de bien d'autres sources d'information. Impossible de revenir ici sur toute cette matière. Essayons seulement de résumer les idées, en gardant toujours en vue la figure du Maître intérieur. Dans l'optique de la Grande Évolution cosmique, prônée par la théosophie « orientale », l'Économie de la Nature veille à ce que tous les efforts déployés, à tous les niveaux, portent leurs fruits : elle a ainsi permis aux plus hauts archanges d'atteindre leurs degrés les plus sublimes, comme à notre Kumâra de s'élever « sur la hauteur » qu'il occupe. De même, sous sa Loi, nos progrès mérités s'enregistrent en nous, pendant le jour de l'incarnation. Mais grâce à elle, aussi, la nuit de la mort est féconde. Tout est programmé pour que rien ne se perde dans le néant de ce qui a été construit, réalisé, ou même honnêtement tenté, au fil de l'existence. Partout où la personne s'est investie, un tant soit peu, pour vivre un idéal, pour créer quelque chose qui incarne, à sa mesure, l'image du Beau, du Vrai, du Juste, en répandant les effluves de l'Amour, même de façon très imparfaite, elle a marqué sa trace dans le monde - et dans sa nature divine. Tout cela doit être préservé de quelque manière, comme une tentative, peut-être timide, mais authentique, de s'élever au-dessus de la routine quotidienne d'un automate animal. L'expérience posthume va pourvoir à cette préservation.
Mais dans tous ces efforts, consentis au fil des jours, ne reconnaissons-nous pas l'inspiration magnétique du Maître intérieur ? Ne pourrait-il pas revendiquer sa part dans ces réalisations d'une vie incarnée ? Dans l'après-vie, tout va encore s'organiser avec sa participation. Mais la Loi supérieure d'Économie exige que les choses se fassent dans l'ordre. S'il faut préserver la récolte d'un espace cultivé, il faudra un temps pour la collecte de tous les produits retirés de ce champ, un temps pour séparer les beaux fruits des autres, gâtés par la vermine - sans parler des feuilles et du bois mort tombés dans les paniers - avant de passer au mûrissement des spécimens sélectionnés, en vue d'en conserver finalement la quintessence.
D'une certaine façon, la « revue panoramique », juste avant l'heure dernière, a comptabilisé en détail tous les produits de l'espace cultivé de l'existence. On y a noté du bon, du moins bon, du vulgaire et peut-être même de l'exécrable. On est bien tenté d'évoquer ici ce qui ne serait peut-être qu'une parabole chez saint Luc (13, 32-43), mettant en scène Jésus crucifié entre deux larrons, condamnés à mort eux aussi. L'un d'eux, criminel endurci, insulte Jésus. Ne serait-ce pas l'aspect de l'âme qui a renié, à l'occasion, toute inspiration spirituelle et qui a rejeté les objurgations de la conscience, pour satisfaire ses envies et ses projets immoraux ? Mais l'autre, le « bon larron » (comme on l'a appelé) qui admet ses fautes et la justice de sa condamnation, pour implorer finalement Jésus, reconnu coupable d'aucune faute, en disant simplement : « Souviens-toi de moi quand tu seras arrivé dans ton royaume. » Ce malheureux ne symbolise-t-il pas l'homme imparfait que nous sommes généralement, mais qui est ouvert à la justice, à l'amour, et à l'ordre divin qui transparaît dans ce qui nous environne ? On se souvient de la réponse de Jésus : « Je te le dis en vérité, aujourd'hui tu seras avec moi au paradis. » Même imparfait, il gagnera le Ciel avec Jésus - ici, le Maître intérieur - pour jouir de ce qu'il pouvait y avoir de bon et d'humain en lui, même réprimé par les conditions d'une vie souvent trop difficile. Il faudra bien que le scénario de la vie posthume s'arrange pour séparer les deux larrons (qui se cachent peut-être dans chaque homme), de manière à ne garder que le meilleur, et lui ouvrir le paradis. Voyons cela.
D'abord, le choc de la mort désorganise l'ensemble « corps-âme-esprit », qui était plus ou moins coordonné pendant la vie. Coupée du cerveau physique, la machinerie psychique est mise hors d'usage pour la conscience personnelle : elle va se désagréger, mais pas n'importe comment. Sa base inférieure, qui était plus directement liée au corps, à la vitalité physique, tente (instinctivement, sans doute) de survivre d'une sorte de vie animale, tandis que sa partie supérieure, où pouvaient s'activer l'intellect et le cœur, est maintenant revendiquée par le Maître. Ce qui va donner lieu à un déploiement d'énergies considérable. Entre les deux pôles opposés de l'âme, on assisterait ainsi à une sorte de « lutte à mort », selon le mot du correspondant indien d'A.P. Sinnett. Au bout d'un temps (qui peut être assez long, si le défunt avait été un passionné, très attaché à la terre), la rupture est consommée : c'est la deuxième mort, qui laisse une carcasse psychique - du temps de H.P.B., on disait une « coque astrale » - encore pleine d'énergies incontrôlées, mais vouée à disparaître, en entraînant le « mauvais larron » à sa perte. Imaginez maintenant une nouvelle « revue panoramique » où ne se déchiffrerait plus que du positif - en somme, la face ensoleillée, généreuse, de ce qui a été l'ego personnel. À ce moment, après un tri sévère pour éliminer l'ivraie et le bois mort, le meilleur de la récolte est là, dûment sélectionné. Arrive maintenant le temps du mûrissement.
Cette fois, toute la conscience de ce qui fut Monsieur X ou Madame Y se trouve réveillée dans l'aura d'Amour et de Lumière de son Maître intérieur. Ensemble maintenant, ils vont redonner vie à tous les instants de l'existence passée qui ont été jugés dignes de figurer dans la récolte définitive. Une expérience à un niveau que l'on imagine très supérieur à celui de la NDE. Indescriptible en somme, avec nos mots terrestres. Une sorte de méditation, avec le pouvoir exalté du Maître, dans une félicité que rien ne peut assombrir ou contrarier, aucune crainte, aucun souvenir douloureux, rien qui pourrait altérer l'exubérance de ces visions dont aucun rêve terrestre - même le plus merveilleux - ne pourrait donner une idée très exacte. On ne sort pourtant pas de la portée de l'ego personnel qui voit maintenant réalisées ses plus belles aspirations, mais aussi exaucés ses légitimes désirs généreux que le monde avait frustrés. Dans cette sphère, fermée à tout échange objectif avec « les autres », viennent cependant figurer les êtres aimés, dans ce qu'ils avaient de meilleur, tels qu'on les avait idéalisés. Mais aussi la porte est ouverte pour les plus belles envolées transcendantes. Songeons à un Mozart, ou un Léonard de Vinci, donnant ici libre cours à sa création artistique, sans aucune des contraintes de la vie incarnée. Et tout cela, hors des limites du temps. « Aujourd'hui, tu seras avec moi au paradis », avait dit Jésus au bon larron. C'est toujours « aujourd'hui » - le présent, suspendu dans une sorte d'éternité que rien ne vient menacer. Comme l'a dit Mme Blavatsky dans la Clef [p. 164] :
« [...] l'être [...] baigne dans l'océan d'une félicité ininterrompue, rehaussée seulement, à intervalles, d'événements d'un bonheur encore plus intense. »
Mais c'est un paradis d'illusion ! objecteront certains. Peut-être, pourtant c'est « l'effet d'une loi miséricordieuse de la nature et d'une stricte justice ». La mort est bien un monde d'effets, et il est juste que « les plus ardents désirs de l'âme s'y trouvent comblés », et qu'elle goutte un tel repos après une vie de tourments. La mort ne sépare pas vraiment les êtres qui sont liés par l'amour. Comme l'affirme encore La Clef de la Théosophie [pp. 165-6] :
« Nous sommes avec ceux qui sont morts et que nous avons perdus dans la forme matérielle, et beaucoup, beaucoup plus près d'eux maintenant que lorsqu'ils étaient en vie. »
Et cela, non seulement en imagination mais dans la réalité des choses.
« Car le pur amour divin n'est pas simplement l'efflorescence d'un cœur humain, mais il a ses racines dans l'éternité. L'amour saint et spirituel est immortel, et karma amènera tôt ou tard tous ceux qui se sont aimés d'une telle affection spirituelle a s'incarner une fois déplus dans le même groupe familial. »
« De plus, nous disons que l'amour étend son influence au-delà de la tombe, bien que vous puissiez le qualifier d'illusion, et possède un pouvoir magique et divin qui réagit sur les vivants. L'Ego d'une mère, rempli d'amour pour les enfants imaginaires qu 'il voit auprès de lui, coulant une vie de bonheur, aussi réelle pour lui que lorsqu'il était sur terre - cet Ego fera toujours sentir son amour à ses enfants vivants. Cet amour s'exprimera dans leurs rêves, ainsi que dans maintes circonstances variées - sous forme de protections et de secours providentiels 26, car l'amour est un bouclier puissant et n'est limité ni par l'espace, ni par le temps. Et, ce qui est vrai de cette "mère" [en paradis] l'est tout autant des autres relations et attachement humains, pourvu qu'ils ne soient pas purement égoïstes ou matériels. L'analogie vous suggérera le reste. »
Dans cet état de béatitude, qui correspond au Ciel des chrétiens, au Svarga des hindous, ou au devachan des Tibétains, le bienheureux ne sait pas qu'il est « mort ». Pris dans le présent intense de ce qu'on appellerait, métaphoriquement, le « mariage du Moi et du Soi », à ce niveau, il ne sait pas qu'il est en train de s'absorber progressivement dans le tréfonds de sa racine - le rhizome permanent qui l'a soutenu pendant toute l'existence terrestre - jusqu'à ce que tout ce qui était immortalisable dans cette personnalité d'une vie soit entièrement « digéré » dans l'enveloppe spirituelle de la monade humaine, en sauvegardant ainsi l'or de tous les instants de conscience vraiment humaine, inspirée, de près ou de loin, par la présence du Maître intérieur. A la fin de cette sorte de méditation dans la loge secrète où s'est retiré l'acteur, une fois le rideau tombé sur la scène terrestre, il ne reste, en définitive, plus rien de personnel de ce qui fut cet acteur, le temps d'une représentation sur la scène du monde - rien d'autre que le Maître intérieur, qui a participé à toute l'opération, jusqu'à ce que la récolte positive de la vie écoulée se trouve engrangée, jusqu'au dernier grain, dans ce que Mme Blavatsky a appelé symboliquement l'« Âme-fil » (en sanskrit, le sutrâtma) où se réunit et s'intègre le butin spirituel de toutes les incarnations successives, « comme des gemmes précieuses » sur un fil ininterrompu dans le temps.
Comme on peut le voir, en fin de compte, l'Économie de la Nature, qui a donné sa chance à un ego personnel, s'arrange pour mettre un terme à l'intervention de ce dernier, une fois qu'il a accompli sa mission - dans le conditionnement propre à une incarnation - pour permettre ensuite à un nouvel ego d'apparaître, dans le conditionnement karmique d'une nouvelle naissance, dans la ligne de tout ce qui avait été semé et récolté lors des expériences précédentes. En somme un ego différent du précédent, mais son digne successeur. Sauf cas très exceptionnels, il n'y a pas d'enfer posthume pour punir les méchants ; pas non plus de paradis éternel pour récompenser les vertueux. Juste un temps mérité de repos, et d'assimilation, pour le côté « bon larron » qui existe en tout être humain, même apparemment vulgaire et défavorisé. Les règlements de compte avec la Loi d'Harmonie et d'Économie se feront dans l'incarnation à venir. Non comme des punitions pour les maux commis, ni des récompenses pour les actions louables. Ce n'est pas un Dieu personnel (irritable, conciliable ou réjoui) qui gouverne cette Loi. Elle se contente d'imposer à chacun la récolte d'effets adaptés aux causes qu'il a semées, en invitant ainsi l'homme à apprendre les leçons de la vie, pour mieux corriger ses erreurs et ses mauvaises dispositions, ou à profiter de toutes les bonnes occasions offertes pour mieux s'ouvrir à l'Universel, et mieux incarner l'Amour et la Lumière du Maître intérieur.
En songeant à la logique de la réincarnation, et à ce qui peut nous attendre dans notre prochaine naissance, l'envie vient de se tourner vers le 6e chapitre de la Bhagavad-Gîtâ qui évoque ces choses à sa manière. Il est question (v. 37-44) de l'homme qui, tout en vivant dans le monde, s'efforce de suivre une discipline spirituelle (celle du yoga). Une situation qu'il est peut-être permis de transposer à celle de tous les hommes en qui le « bon larron » est partagé entre les tentations terrestres et le respect de la morale, voire même la nostalgie d'une société fraternelle, qui permettrait d'étendre la paix sur toute la planète. Ici, un doute s'impose : qu'arrivera-t-il si l'individu échoue, sur les deux tableaux, pourrait-on dire, dans la vie mondaine comme dans la démarche spirituelle ? L'instructeur, Krishna, nous tranquillise : l'homme ne doit pas « périr », s'évanouir entre Ciel et Terre. Car tout effort dans le sens du Vrai et du Juste laisse une trace indélébile. On va donc retrouver le personnage dans le monde céleste des « méritants » - ceux qui ont du « Bien » à leur actif. Il va y demeurer pendant d'« innombrables années » (compte tenu du poids positif de son bilan de bonnes actions), pour finalement renaître dans une famille correspondant au mérite accumulé dans les existences passées. Fort bien. On peut sans doute, comme je l'ai suggéré, étendre l'histoire au cas de tout honnête homme qui ne réduit pas son horizon aux seuls plaisirs trouvés dans la matière. Un point est à remarquer ici : la Gîtâ nous fait espérer, pour l'être qui se réincarne, un cadre (extérieur) de vie qu'on souhaiterait à ses amis : un foyer de gens purs et respectables. Voire même une famille de yogis éclairés - ce qui est un bon lot, bien plus difficile à obtenir dans le monde... Mais l'essentiel, me semble-t-il, concerne la vie intérieure qui va s'offrir au personnage réincarné. En son jargon, la Gîtâ nous apprend que, dans son nouveau cadre,
« Il retrouve le buddhisamyogam mûri, ou développé,
dans le corps précédent. »
Buddhisamyoga - qu'est-ce à dire ? Les traducteurs proposent des formules diverses, comme l'« accrétion de connaissance », les « impressions mentales (d'union avec le Divin) », « les mêmes qualités intellectuelles (que celles qu'il avait) », etc. Je proposerais plutôt « la ligne essentielle de préoccupation mentale à laquelle la conscience s'était fixée ». C'est cette ligne que l'être retrouve en lui-même, à l'incarnation suivante, comme une tendance innée, qui va lui découvrir une sorte de voie toute tracée 27. Comme le dit le texte (v. 43), en retrouvant ces impressions créées dans son incarnation antérieure, l'homme « s'efforce à nouveau vers la perfection ». Il reprend le fil de sa démarche, « pour s'accomplir pleinement » dirait-on. Et, par l'effet de cette pratique assidue, qui remonte au passé, il est comme porté en avant, irrésistiblement (même sans le vouloir, dirait-on), (v. 44). Nous avons là l'explication des vocations très précoces - de ces gens qui savent, dès l'enfance, qu'ils vont découvrir la clef de quelque mystère encore indéchiffré (comme les hiéroglyphes ou autres énigmes). L'explication également de ces sortes de génies, qui, très tôt, s'emparent « irrésistiblement » de l'enfant ou de l'adolescent, pour s'épanouir plus tard dans une forme de « perfection ». En tout cas, ces versets apportent un grand encouragement, même à l'homme ordinaire, pour qu'il s'engage, de préférence, dans une seule voie, tournée vers un accomplissement qui s'accorde au mieux avec la Loi d'Harmonie de l'Univers. La même énergie, dépensée dans la poursuite d'une multitude d'objectifs (parfois contradictoires), auxquels la buddhi devra fixer chaque fois son attention, ne va-t-elle pas créer une diversité de « lignes de préoccupations mentales », qui referont surface, à la prochaine incarnation, sous forme de tendances différentes, discordantes, cherchant néanmoins à s'imposer dans la conscience de l'être ? « Irrésistiblement ».
Avant de quitter la vie posthume, voyons encore quelques questions.
La Gîtâ parle d'« innombrables années » passées au Ciel par l'être méritant, qui avait consacré beaucoup dans le sens d'un idéal spirituel. Mais qu'en serait-il au juste pour le commun des mortels ? Ni une infinité d'années, sans doute, ni quelques décennies, voire même un siècle. Pour les maîtres initiés dont a parlé Mme Blavatsky et qui, selon elle, avaient la possibilité d'estimer des chiffres en ce domaine, il était question de dix à quinze siècles, en moyenne statistique, le temps exact alloué à chaque cas individuel pouvant s'écarter beaucoup, en plus ou en moins, de l'estimation proposée ici, vu que chacun a sa propre histoire, son karma particulier, qui décide aussi bien de son temps de séjour céleste. Et après ? « Quand leur mérite est épuisé, les êtres qui ont joui de la béatitude retournent au monde des mortels » (Gîtâ, IX, 21). Ainsi donc, que viennent à s'annuler les forces ascensionnelles qui maintenaient en orbite le voyageur céleste, la gravité terrestre réaffirme ses droits : il faut reprendre l'expérience humaine, en vue d'une tentative mieux réussie.
Qu'arrive-t-il alors au Maître intérieur qui a vu s'éteindre la dernière lueur du Moi personnel ? Dans ce bref moment de liberté qui précède le retour vers la terre, on lit, dans La Clef de la Théosophie [pp. 177-8], qu'il jouit d'une sorte de vision prospective de l'existence du futur nouvel ego qu'il va être tenu d'accompagner. Il découvre toutes les causes qui ont pu jouer pour conduire à cette incarnation. « Il en prend conscience et voit le futur, car c'est à ce moment que l'Ego divin retrouve sa pleine conscience de Kumâra [...] et redevient, pendant un court espace de temps, le dieu qu'il était avant de descendre pour la première fois dans la matière, conformément à la loi karmique, et s'incarner dans le premier homme de chair. Le " fil d'or" voit toutes ses "perles" et il n'en manque pas une. » Autrement dit, il retrouve sa vision omnisciente, mise en veilleuse pendant tout le temps où il s'était enfermé, avec le Moi de l'incarnation passée, dans l'expérience paradisiaque que nous avons évoquée. Et ces « perles » représentent, bien sûr, toutes les vies vécues par la monade humaine, et tenues ensemble, comme une Unité vivante dans l'« Âme-fil » dont il a été question plus haut. Comme on s'en doute, l'Ego divin - qui ne réagit jamais comme une personnalité humaine - ne se rebelle pas contre la Loi qui met un terme à ce qu'on appellerait des « Grandes Vacances célestes », pour le ramener à ses devoirs « terrestres ». Il ne « murmure » pas devant cette obligation - pas plus qu'il ne l'a fait en acceptant jadis son rôle de Parrain - par compassion pour son filleul, et par nécessité karmique. De nouveau, « il se charge de sa croix... ».
26. Notons ici une source possible de ces « secours providentiels », qu'on a souvent attribués aux anges gardiens, à la fin du second millénaire. Cette « mère » en paradis (qui ne voit pas ses enfants, tels qu'ils sont restés sur la terre) pourrait-elle étendre sur eux sa protection magique sans l'assistance de l'« Être de Lumière » à qui elle est unie - mais qui peut être lui-même averti d'un danger menaçant ces enfants ? [retour texte]
27. Sam-yoga = con-nexion ou con-jonction, qui sans doute ordonne entre elles les préoccupations de la buddhi (l'intelligence, qui juge et décide dans l'individu conscient). Dans l'état de yoga idéal, la connexion (samyoga) de l'être avec la douleur est définitivement brisée (Gîtâ, VI, 23). Quant à la buddhi, disciplinée et tournée vers le Divin, elle devient le sens spirituel - l'intellectus dont a parlé Jacob Boehme - bien au-dessus des sens ordinaires, le sens qui saisit la Vérité (Gîtâ, VI, 21) et qui, à la limite, finit par toucher le Brahman (Gîtâ, VI, 28). Autant de métaphores à interpréter. [retour texte]